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Une délégation de Nimjatt malmenée à la frontière mauritanienne

Selon Bounena Ould Cheikh Mohamed Vadel, un des prétendants au Califa de la Qadiriya El Vadiliya de Nimjatt, Cheikh Saad Bouh Cheikh Mohamed Taghyoulah Ould Cheikh Khaliva et la délégation qui l’accompagne, ont été malmenés à la frontière mauritanienne par la brigade de gendarmerie de Rosso, alors qu’ils revenaient d’une tournée au Sénégal.

Cheikh Saad Bouh Mohamed Taghyoullah Cheikh Khaliva – Crédit Aidara

Tracasseries à la frontière

Pendant plusieurs heures, la trentaine de véhicules qui compose la délégation et les accompagnants en majorité mauritaniens, ont été soumis à des fouilles vexantes, selon lui et à des contrôles d’identité.

Bounena raconte que c’est en rentrant ce matin, aux environs de 13 heures, ce jeudi 23 février 2023, que l’incident a eu lieu.

Il ajoute que les gendarmes ont refusé le passage tant qu’on ne leur signe pas un document déclarant qu’aucune tente ne sera dressée à Nimjat et aucun rassemblement n’aura lieu.

Le Calife, dont l’autorité n’est pas encore totalement reconnue au niveau de Nimjatt, a refusé de signer un tel acte, mais son porte-parole, Cheikh Etghana, son cousin Cheikh Chaya et son fils Cheikh Talibouya ont signé l’acte à sa place.

Les gendarmes à Nimjatt

A leur arrivée à destination, Bounena déclare que les membres de la délégation ont remarqué que la gendarmerie était déjà présente sur les lieux et qu’elle avait tenté de disperser ceux qui voulaient l’accueillir, sans succès.

Le Khalife au milieu de siens – Crédit Aidara

Il déclare que le Wali et le Ministre de l’Intérieur, saisis de cette affaire auraient exprimé leurs.regrets par raport â cet incident.dont ils ne seraient pas au courant.

Une lutte intestine qui perdure

Il faut dire qu’une lutte intestine de succession persiste encore des mois après le décès de l’ancien Calife Cheikh Aya.

Les partisans de Cheikh Saad Bouh Cheikh Mohamed Taghyoullah Ould Cheikh Khaliva, qui considèrent qu’il est le Calife le plus désigné car le plus âgé de Ehel Cheikh Saad Bouh, considere qu’il a été choisi par cinq des six familles de Nimjatt.

Prudence des autorités

D’où certainement la prudence des autorités mauritaniennes qui ne veulent pas s’immiscer dans cette affaire de succession tant qu’un consensus entre les membres de la Famille ne soit trouvé.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident à eu lieu. La désignation de Cheikhna T’Feil dans les années 90 est survenue après une rude lutte de succession à l’époque.

Cheikh Aidara


Les élèves mauritaniens à l’école de la migration

L’Organisation internationale de la migration (OIM) a organisé, du 17 au 19 février 2023 à Nouakchott un atelier d’écriture à l’intention des lycéens et collégiens dans le cadre du projet « Aware Migrants » avec le concours de plusieurs partenaires.

Initier les élèves mauritaniens et les sensibiliser sur les questions migratoires, telle est l’ambition que s’est affichée le Bureau de l’OIM en Mauritanie. C’est dans ce cadre qu’un atelier d’écritures de trois jours, du 17 au 19 février 2023, a été organisé à l’intention d’une vingtaine d’élèves issus de plusieurs établissements secondaires à Nouakchott. Il s’agit notamment des écoles privées Cheikh Moussa, Sahel et de l’école publique Excellence 4.

Les élèves ont bien appréhendé les questions migratoires – Crédit Aidara

Tournée dans les écoles

L’atelier a été précédé d’une tournée de sensibilisations dans les écoles conduite par Esmaou Moctar M’Baba, chargée du projet « Aware Migrants » en Mauritanie, et certains de ses collègues des services de l’OIM. L’objectif était d’expliquer aux élèves l’importance de l’atelier et les résultats attendus pour une meilleure compréhension des enjeux migratoires en Mauritanie.

Initiation à l’écriture

Un intérêt particulier à l’écriture – Crédit Aidara

Le premier jour, les enfants se sont initiés à l’écriture et à la communication, notamment aux outils de communication avec les places accordées à l’écriture, à la parole et à l’image. La formation dispensée par le consultant, journaliste et écrivain, Bios Diallo a été interactive et a permis d’évaluer le niveau d’expression des élèves. Il a surtout permis de constater leur maturité et leur bonne maîtrise de la langue, le tout nourri par une culture aux nouvelles techniques de l’information et de la communication.

Le deuxième jour, les élèves ont restitué les résultats de leurs recherches personnelles de la veille sur la migration d’une manière générale et sur la migration en Mauritanie en particulier, sur la demande du formateur.

Connaître la migration

Bios Diallo – Crédit Aidara

Ils ont été également initiés sur les terminologies, notamment des explications détaillées sur la définition du migrant, du réfugié, du demandeur d’asile, des pays de destination, de transit et d’accueil, entre autres, mais aussi sur l’apport des migrants dans les économies des pays de résidence.

Par la suite, les enfants ont été amenés à disséquer un texte de Simone de Beauvoir, portant sur son premier voyage à New York, extrait de son livre « l’Amérique au jour le jour » paru en 1948 à Gallimard et qui raconte ses quatre mois de périple aux Etats-Unis en 1947.

Cet extrait était destiné à livrer aux élèves les techniques de l’écriture, notamment comment bien débuter un texte par une bonne attaque, et comment réaliser une belle chute en fin d’article ou de récit. D’autres techniques aussi, comment élaborer un bon plan de rédaction, agencer les idées et faire la sélection des priorités attractives pour un article qui incitera à une lecture sans peine.

Concours d’écriture

Les questions de migration, une découverte pour ces jeunes élèves – Crédit Aidara

Au troisième jour, les enfants ont décliné chacun les grandes lignes de l’article qu’ils comptent proposer. Des récits, des poèmes, des articles de presse, des infos chiffres, ont été présentés, permettant au formateur de donner des orientations, remarques et suggestions pour leur amélioration. Passé ce stade des conseils, les élèves se sont pliés au concours d’écriture qui clôturait cette dernière journée. Pendant deux heures, ils ont planché sur leurs textes. A l’issue de cet examen, et après corrections, des prix seront attribués aux meilleures productions au cours d’une cérémonie solennelle qui aura lieu au mois de mars prochain.

« Aware Migrants », c’est quoi

Il faut noter que cet atelier entre dans le cadre du projet « Aware Migrants » qui est une campagne lancée en juillet 2016 à Rome par le Ministère italien de l’intérieur et le bureau de coordination de l’OIM pour la Méditerranée. Elle vise à sensibiliser les migrants potentiels aux dangereux périples à travers le désert et la Méditerranée. Ici, les élèves ont été à la bonne source, l’école, pour une meilleure connaissance des questions migratoires.

Réactions

Des responsables des établissements sélectionnés ont assisté à toutes les sessions. « Il était utile pour nous de venir voir nos élèves, et les soutenir », fait remarquer Dia de l’école Cheikh Moussa. Son homologue d’Excellence 4, Madame Oueïdina, directrice des études poursuit : « les journées ont été très instructives. Des parents m’appellent tous les soirs, se félicitant de cette formation dispensée à leurs enfants. D’aucuns disent avoir été sensibilisés par les retours des élèves. Comme eux, nous aussi formateurs ne regarderons plus le sujet sur la migration de la même manière qu’avant ».

Rendez-vous en mars pour les lauréats.

Cheikh Aïdara


La présidente du Réseau des Femmes Leaders du Gorgol et son bureau reçoivent une délégation d’OXFAM et de ROSA

Le siège du Réseau des Femmes Leaders du Gorgol a reçu jeudi 16 février 2023, le Représentant Pays d’Oxfam en Mauritanie accompagné d’une délégation du Réseau des Organisations de la Sécurité Alimentaire (ROSA) conduite par Mme Lalla Aïcha.

Mme Roghaya Aidara ( 2ème à partir de gauche), Lalla Aïcha (en rouge) et le représentant OXFAM -Crédit Aidara

Le Représentant en Mauritanie d’OXFAM Intermon a rendu visite, jeudi 16 février 2023, aux membres du Réseau des Femmes Leaders du Gorgol. Il était accompagné par une forte délégation de ROSA conduite par Mme Lalla Aîcha.

L’occasion pour la présidente du Réseau des femmes leaders du Gorgol, Mme Roghaya Mint Cheikh Abdel Kader Haidara de remercier le Représentant d’OXFAM et la délégation de ROSA pour l’intérêt porté à leurs activités.

Dans le mot qu’elle a prononcé à l’occasion, Mme Roghaya Haidara a rappelé que le réseau qu’elle dirige est un regroupement d’organisations féminines mis en place par ROSA pour renforcer la notion de citoyenneté et le leadership des femmes du Gorgol pour en faire des agents de changement et de transformation, pour la promotion des droits des femmes, dont le droit à l’accès à la terre.

De G; à Dr. Lala Aîcha, le représentant Oxfam et la délégation de ROSA – Crédit Aidara

C’est dans ce cadre, a-t-elle souligné, qu’est intervenu le partenariat tissé avec OXFAM, grâce à l’entremise de ROSA, à travers le projet « « Justice Sociale et Résilience à travers la réduction des inégalités en Mauritanie.

Elle a énuméré les projets menés au profit des femmes du Gorgol depuis quatre ans par le réseau avec l’appui de ROSA, citant la célébration des différentes journées nationales et internationales commémoratives de la femme, mais surtout les efforts fournis pour l’accès aux terres et leur sécurisation. C’est ainsi, dira-t-elle en substance, que le réseau a permis à une dizaine de femmes d’avoir accès à des terres de culture et à leur immatriculation domaniale en leur nom.  

« L’ attribution de ces dix autorisation d’exploitation agricoles à des  coopératives féminines des communes de Kaédi , Nere Walo et Lexiebe, traduit l’engagement constant de ROSA en faveur de l’autonomisation et de la  promotion des droits des femmes ; elle est  aussi le fruit de l’implication du Réseau des femmes leader du Gorgol, qui a usé de tout son leadership auprès de l’Administration pour l’établissement de ces autorisations ; elle couronne également les louables effort menés par l’Equipe technique de terrain de ROSA » a-t-elle illustré

Vue de l’assistance – Crédit Aidara

Mme Roghaya Haidara a enfin remercié OXFAM pour son appui constant ainsi que les autorités administratives locales pour leur accompagnement.

Le Représentant Pays d’OXFAM a vivement félicité les femmes membres du Réseau et les a encouragées, promettant que son organisation ne ménagera aucun effort pour continuer à les appuyer.

Mme Lalla Aïcha a de son côté magnifié les efforts fournis par le réseau pour renforcer l’autonomisation des femmes du Gorgol et leur capacité en leadership féminin. Elle s’est engagée à consolider les liens de partenariat qui lie ROSA au dynamique réseau des femmes leaders du Gorgol.

Enfin, Mme Roghaya Haidara a ajouté que le réseau a installé des points focaux dans diverses zones du Gorgol, notamment à Lexeiba, Ganki, Djeol et Nere Walo.

Wane Ousmane

Notre envoyé Spécial


Les enjeux économiques dans l’espace Maghreb-Sahel face aux acteurs extérieurs

Quelles sont les priorités économiques des acteurs extérieurs au Maghreb-Sahel ? Quel est l’apport de leurs investissements dans les économies des pays ? Comment ces investissements et leurs projections géopolitiques participent-ils aux jeux d’influence de ces acteurs dans la région ? Autant de question que des experts maghrébins et sahéliens ont analysé au cours d’une rencontre organisée à Nouakchott du 20 au 21 février 2023, grâce à la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung (KAS), à travers son Programme régional « Dialogue politique Sud-Méditerranée » et son Programme régional pour le Sahel.

Pendant deux jours, du 20 au 21 février 2023, un groupe d’experts a planché sur des problématiques liés à la présence accrue de plusieurs acteurs extérieurs, Union européenne, Chine, Russie, Turquie et Emirats Arabes Unis, qui se disputent le leadership économique dans l’espace Maghreb-Sahel.

Cette rencontre est le fruit d’une réflexion initiée par la fondation Konrad Adenauer et qui a porté sur plusieurs sujets. Quatre grands panels ont permis d’orienter les débats sur des thématiques variés, dont celui portant sur les « Mutations géopolitiques et le rôle des acteurs extérieurs dans l’espace Maghreb-Sahel ».

Dans ce panel modéré par Dr. Adel Ourabah, associé de recherches au KAS, les débats ont été animés par Mme Fatou Ghrib, Directrice de l’UE, du Maghreb Arabe et des partenaires méditerranéens, Dr. Abdenour Benantar, Maître de conférence à l’Université Paris 8, M. Tijani Mohamed Abdel Kerim, ancien ministre et Directeur de l’Institut Mauritanien pour l’Accès à la Modernité, Dr. Honoré Ouedraogo, Enseignant-chercheur, Expert en Intelligence économique et Stratégie, Théophile Madjitoloum Yombombo, ancien vice-président de l’Assemblée nationale du Tchad.

L’Afrique, cet « impuissant » réservoir de ressources pour le monde

Sur ce registre, Dr. Abdenour Benantar a déclaré que la configuration du continent africain fait de lui un espace de convoitise extérieure, évoquant l’infantilisation dans laquelle elle a été longtemps maintenue, ce qui rend difficile la lecture de son avenir, car le continent continue, selon lui, de servir de réserves aux puissances extérieures. De là, les décisions qui concernent son devenir continuent de dépendre de l’appréciation qu’en feront les autres.

Changer de partenaires et chercher à remplacer par exemple les puissances occidentales par des puissances émergentes, ne résoudra pas, d’après lui, les problèmes de l’Afrique si la structure de dépendance reste en l’état, et si le continent ne cherche pas à se développer par lui-même et à diversifier ses sources d’investissements et ses modèles de développement.

Bref, pour Dr. Abdenour, l’Afrique doit porter ses propres problèmes, précisant que l’appropriation de son marché de la paix consiste à prendre part et à engager ses chaines de commandements, ce qui n’est pas possible, selon lui, si les décisions du contrôle stratégique de sa propre sécurité dépendent de décisions prises en Occident. Selon lui, le Conseil de sécurité de l’ONU contrôlé par les 5 puissances nucléaires peut s’opposer à l’africanisation du maintien de la paix sur le continent. Ce qui devrait pousser l’Afrique, poursuit-il en substance, à déconstruire le schéma de dépendance qui continue à le vriller à l’extérieur.

Il a conclu en déclarant qu’il est impossible cependant de découpler l’Europe et l’Afrique, car les relations de proximité et les liens historiques feront toujours que les flux migratoires de l’espace Maghreb-Sahel iront toujours vers l’Europe et non vers la Chine ou la Russie.

Travailler les mentalités africaines

Pour Tijani Mohamed Kerim, le problème de l’Afrique doit d’abord être africain, mais que le défi qui se pose est de savoir est-ce que les pays africains ont des populations ou des peuples. Il a ramené in fine le problème de l’Afrique à celui d’un retard dans les mentalités et que la faillite observée n’est pas de la seule responsabilité de l’Europe et que le continent en a la plus grande part.

Le reproche qui pourrait être fait à l’Europe, selon lui, est de ne pas avoir fait grand-chose pour le développement du continent et en particulier l’espace Maghreb-Sahel, prenant l’exemple des pays d’Asie qui ont pu décoller grâce à la bonne gouvernance et une relative stabilité sociale, au contraire du continent africain soumis aux coups d’Etat, à la corruption institutionnalisée, entre autres.

Pour l’ambassadeur Tijani Kerim, le Nord s’est développé grâce notamment à un bon système éducatif, soulignant que le plus grand danger qui s’est emparé du continent, est que le capitalisme financier basé sur la recherche du profit a supplanté le capitalisme économique, évoquant au passage l’intrusion du FMI et de la Banque Mondiale dont les recettes ont souvent participé à l’effondrement de beaucoup d’économies dans la région.

Selon lui, la Chine est une puissance économique qui commerce avec le continent loin de tout diktat idéologique et sans ingérence dans les politiques des Etats, ce qui séduit beaucoup de pays du continent très souvent réfractaires aux narratifs occidentaux sur la démocratie, les droits de l’homme. De même, a-t-il souligné, la présence russe sur le continent est plutôt militaire qu’économique, ce que certains pays pourraient considérer comme avantageux en termes de sécurité face au terrorisme et à l’insécurité.

L’internalisme libéral ou le partage des richesses de l’Afrique entre les puissances

Dr. Honoré Ouedraogo a de son côté précisé que l’Afrique est confrontée à une masse critique de défis, dont les conflits armés et la transformation de son territoire en épicentre d’interventions de forces étrangères dominantes. Il a parlé aussi d’internalisme libéral où le partage des richesses et les défis sécuritaires expliquent l’arrivée en masse de nouveaux acteurs extérieurs dans des pays regorgeant de ressources mais où les populations sont pauvres.

Il a indiqué cependant que la révolution numérique en cours sur le continent est un facteur de changement et qu’il participe à la transformation sociale progressive par rapport aux enjeux actuels.

Il a évoqué aussi la tournée récente du ministre russe des affaire étrangères, Sergueï Lavrov, et la présence de plus en plus insidieuse de la société de sécurité russe Wagner en Afrique, précisant qu’elle est présente aujourd’hui dans une dizaine de pays. Les relations entre la Russie et l’Afrique se développent dans plusieurs secteurs, dira-t-il, dont le nucléaire civil, l’off-shore et le on-shore, sans compter les concessions minières dans lesquelles le groupe Wagner serait fortement impliqué.

Selon Dr.Honoré, la présence russe en Afrique s’explique globalement par des enjeux géostratégiques que le prochain sommet russo-africain prévu en juillet 2023 à Saint Pétersbourg ne manquera pas d’aborder.

La présence chinoise en Afrique quant à elle, serait basée d’après lui, sur un certain opportunisme économique, même si les relations sino-africaines sont de longue date, évoquant le chiffre de 10.000 entreprises chinoises présentes aujourd’hui sur le continent. Il s’agit dira-t-il de relations gagnant-gagnant dans le domaine de l’investissement et de l’exportation, notamment. Dr. Honoré a rappelé la conférence de Bandung de 1955 et la doctrine de « coexistence pacifique » élaborée en 1949 par Zhou Enlai, ministre des affaires étrangères de la toute jeune République Populaire de Chine, qui permettait d’entamer des relations amicales et fructueuses avec les proches voisins de la Chine et les pays nouvellement décolonisés, notamment en Afrique.  Il a aussi évoqué le consensus de Pékin, qui est un terme décrivant la diplomatie et le modèle de développement proposé par la Chine, en particulier auprès des pays africains. Mais aussi la nouvelle route de la Soie, plus de 1000 milliards de dollars d’investissement, l’une des priorités chinoises consistant à relier économiquement la Chine à l’Europe, en passant par plusieurs pays. La Chine c’est aussi, selon Dr. Honoré, plus de 90% de biens manufacturés vers l’Afrique, ce sont aussi les zones économiques spéciales (ZES), ce sont d’énormes importations de pétrole, de fer, d’engrais, de minerais, de poisson. La Chine, c’est également l’offensive culturelle par le biais des Instituts Confucius installés dans la quasi-totalité des universités africaines, mais aussi des accords signés avec des organismes régionaux comme la CEDEAO.

Citant les défis de ces relations, Dr. Honoré a mentionné le piège de la dette, la concurrence déloyale des entreprises locales, quelques soupçons d’espionnage, la déperdition des normes démocratiques et la culture des droits de l’homme.

La Turquie de son côté, ce sont des échanges commerciaux multipliés par plus de six, passant de 3 Milliards de dollars il y a quelques années à 26 milliards aujourd’hui et 10 milliards d’investissements directs dans le continent, notamment dans le transport, l’agriculture, l’alimentaire…

L’Union européenne, reconnait-il, est un partenaire traditionnel de l’Afrique qui concentre la majeure partie des capitaux qui y circulent et avec laquelle elle partage une communauté de langue et de culture. L’UE, c’est aussi une forte présence médiatique, même si les relations avec une partie des pays du Sahel connaissent aujourd’hui certaines tensions, avec un sentiment anti-français de plus en plus grandissant.

Parmi les raisons de cette perte de vitesse de l’UE dans la région, Dr. Honoré cite la réminiscence du discours paternaliste et une diplomatie à géométrie variable. En conclusion, il reprend une citation de Feu Houphët Boigny qui disait « qui aura l’Afrique, dominera le monde, parce qu’il sera Maître des matières premières ».

Les bisbilles minent la cohésion en Europe et en Afrique

Dr. Théophile Yombombo, a déploré la dépendance de certains Etats de la région vis-à-vis de quelques partenaires étrangers, notamment les anciennes puissances coloniales, à cause de la non maîtrise de leur propre territoire national. De là, l’orientation stratégique de ces puissances, à travers l’occupation des espaces économiques, l’implantation de bases militaires, la recherche de matières premières et de ressources naturelles pour asseoir une certaine zone d’influence économique. Il a parlé de l’existence de sociétés militaires chinoises discrètes dans certains pays de la région, pour dire qu’il n’y a pas seulement Wagner sur ce terrain. Idem pour la Turquie dont la présence économique dans la région est aussi souvent couplée à des accords militaires, faisant de ce pays une puissance douce dont le rush dans l’espace sahélo-maghrébin est de plus en plus incisif

Dr. Théophile a également évoqué la présence russe et la montée en puissance des pays du BRICS dont il assurer le leadership, notamment dans le domaine de la sécurité mais aussi sur le terrain économique. Il a aussi évoqué l’influence rampante des Emirats en Afrique, à travers une approche religieuse basée sur un islam politique et portée par des interventions dans le domaine de l’humanitaire notamment.

Dr. Théophile a parlé d’une Europe plurielle dans ses interventions, à couteaux tirés dans ces guerres intestines, citant le divorce du couple franco-allemand et les bisbilles entre l’Italie et la France. Il a aussi évoqué les guerres d’influence au sein des organisations africaines, notamment autour du climat, avec un continent transformé en dépotoir à ciel ouvert des déchets du monde et un lieu d’essai des expériences bactériologiques.  

Une rencontre et quatre panels

Trois autres thèmes ont aussi été abordés au cours des deux jours de débats. Le deuxième a porté sur les « priorités économiques des acteurs extérieurs dans le Sahel », animé par Harouna Niang, ancien ministre malien, Dr. Aboube Mahaman Laouan, de l’Université Abdoul Moumouni du Niger, Mamadou Lamine Sylla, Financier et Dr. Moctar Alaoui, conseiller diplomatique mauritanien, avec la modération de Yacoub Berthé, Coordonnateur KAS Sahel.

Le troisième panel a porté sur le thème les « priorités économiques des acteurs extérieurs au Maghreb ». Modéré par Monther Khanfir, Directeur “ For a Shared Prosperity in Africa”, la session a été animée par Dr. Fouad M. Ammor, économiste, Dr. Mohamed Yazid Boumghar, staticien-économiste, Dr. Mourad Goumri, universitaire et consultant, et Pr. Karim Ben Kahla, économiste, professeur des universités.

La dernière journée de la rencontre a été marquée par un panel intitulé « Nexus économique Maghreb-Sahel : quelles perspectives pour la coopération et les investissements étrangers ».

Il a été animé par Mme Lilia Hachem Naas, chef du bureau pour l’Afrique du Nord et Moyen-Orient, Centre du Commerce International (ITC) Genève, Anisse Terai, Directeur général Tell Group, CPL/ELI Follow à l’Université de Harvard, Monther Khanfir, Dr. Isselmou Ould Boye, consultant socio-économiste. La modération a été assurée par Dr. Théophile Yombombo.

A la fin de la rencontre, Dr. Thomas Volk, Directeur du Programme régional « Dialogue Politique Sud-Méditerranée » et M. Ulf Laessing, Directeur du Programme Régional Sahel, de Konrad Adenauer, ont pris la parole pour remercier les participants et ont promis de poursuivre les réflexions sur les thèmes économiques liés à l’espace Maghreb-Sahel.

Cheikh Aïdara

TEMOIGNAGES

Thomas Volk

« Dans cet espace d’échange du Sahel et du Maghreb, nous travaillons de manière à ce que les deux rives de la Méditerranée puissent vivre et échanger dans une meilleure compréhension. L’Europe et l’Afrique sont voisins et se sont toujours intéressés à la situation des uns des autres. En tant que fondation politique allemande, nous essayons aussi de sensibiliser la population allemande sur ce sujet. Nous allons poursuivre ce dialogue qui est cher à notre fondation toujours en alternance dans la région du Maghreb et du Sahel ».

Harouna Niang

« Nous venons de participer à une rencontre initiée par KAS qui a consisté à réunir les Sahéliens et les Maghrébins pour voir comment cet espace commun que nous partageons pourrait se traduire par des relations économiques, faciliter les échanges et les investissements de manière à ce que la quête de bonheur de part et d’autre puisse se concrétiser. Je pense que c’est une très bonne initiative. Nous avons eu droit à des présentations de haute facture. Chacun de nous a pu faire des rencontres individuelles et nous avons convenu de garder le contact à travers un réseau pour qu’on puisse poursuivre la réflexion. Je suis content d’avoir participé à cet évènement ».

Dr. Honora Ouedraogo

« Nous avons été très ravis d’avoir participé à une telle conférence qui a réuni des acteurs d’horizons divers pour plancher sur des questions d’importance majeure en lien avec le développement de l’Afrique, en particulier de la zone sahélo-maghrébine. Les échanges ont été fructueux et nous en sommes édifiés. Nous sommes reconnaissants aux structures organisatrices. Vivement que de telles rencontres soient perpétuées. Nous espérons que les synthèses seront produites et diffusées en grande masse pour qu’elles puissent parvenir aux décideurs afin d’aboutir à des actions constructives. Après tout, il ne s’agit pas seulement d’analyser ou de diagnostiquer mais de prendre des décisions. L’Afrique regorge de beaucoup de potentialités multidimensionnelles et c’est un désastre que de voir les populations végéter de nos jours. Il est temps pour le continent de tirer profit de toutes les ressources dont elle regorge afin de donner une impulsion véritable à un développement économique, durable et inclusive ».