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Mme Gerda Verburg, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Coordinatrice du Mouvement SUN Nutrition : «rassembler toutes les parties prenantes autour de la nutrition, tel est l’objectif principal de ma visite en Mauritanie».

Lors de la visite en Mauritanie qu’elle a entamée le 3 mars 2020, Mme Gerda Verburg, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Coordinatrice du Mouvement SUN Nutrition, a bien voulu répondre à nos questions.

A Katmandou, lors du Sommet mondial sur la nutrition en 2019, les pays membres du Mouvement SUN, dont la Mauritanie, avaient pris un certain nombre d’engagements dont entre autres, «obtenir le plus haut niveau d’engagement politique auprès des gouvernements des pays SUN». Vous venez de rencontrer le Chef de l’Etat, le Premier ministre et les ministres concernés par la question de la nutrition, quels sont les engagements concrets que vous avez senti de la part du gouvernement mauritanien ?

J’ai rencontré en effet le Président de la République, le Premier ministre et quelques membres du gouvernement. Ils ont tous promis d’accorder beaucoup de ressources et d’investissements à la nutrition. J’ai senti réellement une ferme volonté de réaliser beaucoup plus que d’habitude par rapport à cette question et lui accorder la priorité qu’il faut.

Les autorités mauritaniennes ont-elles pris conscience que l’accès au cadre d’investissement mondial pour la nutrition exige qu’elles augmentent leur contribution financière à ce volet de la nutrition ?

Ils sont tout à fait au courant que la nutrition est une affaire d’engagement politique. Tous les ministres que j’ai rencontrés ainsi que le Premier ministre et le Président de la République sont tout à fait prêts à s’engager dans le processus.

Cela débute par le fait de considérer que la nutrition va au-delà de la lutte contre la faim. Par contre, la nutrition est un facteur cognitif pour le développement de l’enfant et de l’adulte.

Etant donné que le Chef de l’Etat a un agenda assez fort sur tout ce qui est capital humain et investissement dans l’homme mauritanien, c’est le moment idéal pour donner un coup de pouce supplémentaire à la nutrition dans le pays.

Vous l’avez dit, «il faut y aller ensemble en matière de nutrition». Vous avez certainement rencontré les agences des Nations unies, le secteur privé et les chercheurs, ces maillons manquants de l’architecture de SUN Mauritanie, qui ne compte actuellement que deux pôles, celui du gouvernement et de la société civile. Les autres vont-ils suivre incessamment ?

C’est exactement l’objectif de ma visite en Mauritanie, rassembler l’ensemble des parties prenantes de la nutrition dans le pays.

Je prends l’exemple des 60 pays membres du Mouvement SUN dans le monde et qui sont pilotés par des pays avec pour objectif dégager un budget pour la nutrition, rassembler les acteurs et les parties prenantes.

N’oublions pas que la nutrition jusqu’ici pour la Mauritanie était traitée d’une manière ponctuelle, au cas par cas et seulement en situation d’urgence. Et là, on a senti un changement de mentalité vers un investissement dans la nutrition qui va au-delà des bailleurs mais vraiment vers un investissement dans le capital humain. J’ai bien senti que les partenaires étaient aussi vraiment engagés et prêts à opérer ce changement.

La première étape serait d’établir une feuille de route avec l’ensemble des ministres concernés par la problématique de la nutrition pour prendre des engagements clairs pour le Sommet de Tokyo «Nutrition pour la croissance » prévue en décembre 2020.

Ca, ce serait une action collective et une première étape, mais il faudrait aussi que le gouvernement débloque de l’argent pour soutenir ses engagements pour la nutrition, et ce n’est qu’après cela, que le Mouvement SUN pourra l’aider à débloquer des financements internationaux et à favoriser le soutien à la réponse Mauritanie pour la nutrition.

Dans tous mes rendez-vous jusqu’ici, j’ai vraiment senti cette motivation et cet engagement à investir dans la nutrition pour booster le développement économique du pays.

Tokyo 2020 se prépare activement. Pensez-vous que les pays du Sahel sont prêts pour ce rendez-vous et qu’ils pourraient présenter d’ici là des bilans encourageants en matière de nutrition ?

Je peux donner l’exemple du Burkina Faso qui est l’un des pays champions en matière de nutrition au Sahel. Son président est l’un des leaders africains de la nutrition pour son engagement et son leadership en la matière dans son pays. Pour dire que beaucoup d’efforts sont en train d’être menés dans la région du Sahel et les Etats sont de plus en plus engagés sur la question de la nutrition.

Comme vous le savez, il y a une société civile du mouvement SUN très active depuis quelques années en Mauritanie. Quel partenariat, quels financements et quels appuis techniques, peut-elle espérer de la part du mouvement SUN, si l’on sait qu’elle n’a jamais bénéficié du poolfund ?

 Très belle question, mais je n’y répondrai pas maintenant. Cette question je l’ai déjà débattu avec cette société civile dont je mesure à juste titre les efforts et l’engagement. Qu’elle commence d’abord par introduire une requête auprès du poolfund. Moi de mon point de vue j’accorde beaucoup d’importance à la société civile car je considère qu’elle est le moteur de tout changement positif et rapide surtout sur les questions de la nutrition. Je salue aussi l’engagement et les efforts des religieux ainsi que des jeunes.

Propos recueillis par Cheikh Aidara


Après son «Prix Courage 2020 », Birame Dah Abeid de nouveau sur la sellette

Comme après chaque distinction sur le plan international, le député Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ne reçoit de la part de certains cercles du pouvoir et quelques compatriotes qu’indignation, critiques et mise sur sellette. Sa dernière distinction, «Prix Courage 2020», décerné par le Sommet de Genève pour les droits de l’homme et de la démocratie, le 18 février 2020, n’a pas échappé à la règle.

Il est ainsi reproché à Birame Dah Abeid d’avoir «lavé le linge sale» à l’extérieur qui plus est, sur une «tribune internationale», au lieu de le faire intramuros, au sein d’un hémicycle où le temps de parole est aussi restreint qu’une peau de chagrin. D’autres prennent pour alibi un climat d’entente entre les autorités actuelles et les organisations des droits de l’homme, dont il serait le premier à saluer l’élan, pour fustiger son intervention à Genève. Et de souligner que le contenu de son discours rappelle une réalité de l’esclavage qui n’est plus, et que les organisations qui ont décerné ce prix à Birame, feraient mieux de faire un tour dans le coin, pour constater que sa description de l’esclavage en Mauritanie est bien révolue. Comme si ces organisations, et d’autres comme les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, ne sont pas venues à plusieurs reprises et à plusieurs occasions.

En réalité qu’à dit Birame pour essuyer de telles salves d’attaques ? Dans le discours qu’il a prononcé devant les membres du jury du «Prix Courage 2020» ainsi que le public et les experts du Geneva Summit For Human Human Rights and Democracy basé à Genève (Suisse), Birame n’a fait que répéter ce qu’il n’a cessé de dire depuis 2008, date de création de son mouvement IRA. Rien de nouveau qui puise entraîner de telles réactions, comme si de tels propos sont nés hier. Il a rappelé ses origines serviles, les durs enfantements du mouvement IRA et les persécutions dont ses militants continuent de faire l’objet, avant de décrire la difficile condition des classes serviles en Mauritanie, cette manne laborieuse, dont certains encore esclaves dans des coins reculés du pays, garder les troupeaux, creuser les puits, préparer la couche et la nourriture des maîtres, servir de maîtresses dociles et de procréatrices de futurs esclaves. Et quand des cas sont découverts, comme les plus récents, celui de la jeune Ghaya Maïga et du jeune Beibbeu, l’appareil d’Etat se charge de blanchir leurs cas pour les évacuer extrajudiciairement.

Sur ce plan, aucun changement entre le régime de Ghazwani et celui d’Aziz. Le même déni de l’esclavage, la même manipulation des faits de servitude, le même refus d’appliquer la Loi 2015-031 criminalisant l’esclavage, la même logique de l’uni-ethnicité dans les recrutements et les nominations. Jusqu’à ce que de nouvelles preuves viennent démentir les faits actuels. En fait, dans le domaine des droits de l’homme, rien n’a changé, même si beaucoup d’eau est passé sous le pont d’une amitié Ghazwan-Aziz qui aurait duré plus de quarante ans et que les intrigues du pouvoir politique ont transformé en inimitié.

Certes, beaucoup avait salué l’arrivée de Ghazwani au pouvoir comme une opportunité, tant les dix ans de grisaille du régime Aziz avait émoussé les espoirs, desséché les espérances. Si Ghazwani a entamé son mandat sous de bons auspices, telles ces prises de contact avec les opposants, l’élan s’est brisé depuis, comme si les Mauritaniens sont condamnés à vivre la malédiction de ces nouveaux présidents-arrivages qui miroitent des lendemains meilleurs avant que le mirage ne recouvre leurs belles promesses d’un linceul gris.
Certes, Birame a toujours magnifié l’ouverture des nouvelles autorités, dont les engagements pour une Mauritanie juste et égalitaire, respectueuse de son pacte républicain, tardent à se concrétiser. D’ailleurs, l’attente se fait longue et peu de perspectives heureuses s’ouvrent à l’horizon, tant les jeux sont flous. Quel gage donner à un président qui n’a jamais d’ailleurs reconnu être venu pour opérer un changement mais qui a toujours eu l’honnêteté de déclarer qu’il est venu pour continuer l’œuvre de son prédécesseur, avec quelques saupoudrages. Sinon, qu’est-ce qui a changé réellement dans le dispositif actuel ? Le système est resté le même. Ghazawani n’a fait qu’ajouter quelques petites briques.

Cheikh Aïdara


Athéisme, prosélytisme, laïcité…et le silence assourdissant des mosquées

Depuis des jours, une affaire d’athéisme, de prosélytisme et de laïcisme défraye la chronique et secoue la conscience de millions de mauritaniens. En face, le silence énigmatique et tonitruant des mosquées, notamment la Mosquée Saoudienne, fer de lance de toutes les indignations au nom d’Allah. Que se passa ?

Athéisme, prosélytisme, laïcité…et le silence assourdissant des mosquées

Lorsque Birame Dah Abeid, président du mouvement Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) avait incinéré en 2012 quelques ouvrages du rite malékite dans un geste symbolique tendant à dénoncer leur contenu que lui et ses partisans accusent de sacraliser l’esclavage, d’immenses foules se sont déversées vers la présidence de la République pour demander sa tête. Pendant des jours, le lynchage médiatique contre Birame se poursuivra sur toutes les tribunes avant d’aboutir à son incarcération, puis sa libération triomphante après quelques mois d’emprisonnement.

Et lorsque plus tard, Mohamed Ould M’Khaïtir publia un texte jugé offensant envers le Prophète (PSL), l’indignation prit une telle ampleur qu’un mouvement dénommé «Ahbab Rassoul » fut crée, animant chaque vendredi des meetings populaires où les manifestants scandaient «A mort à Ould M’Khaïtir», dans un concours de haine populis. Pendant des semaines, les foules remplies de colère réclameront sa tête, nourrissant l’actualité et faisant les gros titres des mass médias locaux. La fin de ce feuilleton est bien connue. Les initiateurs du mouvement «Ahbab Rassoul » se crêperont les chignons suite à une série de scandales dignes du mariage de la fille de Satan, tandis que le jeune MKhaïtir, séquestré bien après sa condamnation libératoire, sera exfiltré pour un difficile exil à l’étranger.

Aujourd’hui, d’autres sont allés sur un palier supérieur. Il s’agit d’un groupe de jeunes dont certains sont accusés de s’être engagés sur la pente de l’athéisme, donc reniant Allah et ses prophètes, son Paradis et son Enfer, dans un élan d’incroyance qui peut, si les accusations sont étayées, les conduire à la potence selon la législation nationale. D’autres sont accusés de prôner une Mauritanie laïque, sans interférence du religieux dans la conduite des affaires politiques, en rupture avec l’esprit de l’Islam qui est, selon les interprétations, une religion politique par essence dont l’ambition est de régenter la vie de l’homme ici-bas et dans l’au-delà. D’autres sont accusés d’avoir distribué des évangiles.

Aujourd’hui, il est permis de se demander, pourquoi cette sélectivité dans l’indignation des mosquées ? Et si les jeunes aujourd’hui poursuivis pour athéisme, laïcité et prosélytisme étaient des négro-mauritaniens ou des haratines ? Que se serait-il passé ? A la lumière du cas du Hartani Birame et du forgeron Ould M’Khaïtir, les foules se seraient déversées dès le premier jour dans des marches vociférantes pour réclamer l’application de la Chari’a. Nouakchott vivrait aujourd’hui sous la cadence des indignations au nom d’Allah. Les télés et les radios se transformeraient en tribunes non stop où érudits, non-érudits se succéderont pour dénoncer des «dérives dangereuses pour la Umma ». Ce serait des conférences à charge à ne plus finir. Mais comme il s’agit de jeunes maures bon goût bon ton, dont certains de la haute aristocratie, c’est silence radio et profil bas. Aucune mosquée ne s’est indignée, aucune station télé ou radio n’a traité de l’événement. Comme si rien ne s’est passé. Une banalisation effrayante dans une affaire où c’est la foi islamique qui a été publiquement malmenée.

Une telle attitude à plusieurs noms. Racisme, de la part d’un clergé qui utilise la religion pour mater une certaine frange de la population et en épargner d’autres. Discrimination, au nom de la solidarité tribale et ethnique. Hypocrisie qui consiste à s’indigner au nom de la religion selon la race ou la classe sociale de l’offenseur. C’est la loi juive qui stipule «quand un noble vole on passe l’éponge, et quand un manant du bas-peuple vole, on le châtie».

Cheikh Aïdara


Atelier sur les droits de l’enfant et de la femme à l’attention des journalistes

Quatre-vingt journalistes répartis en trois groupes seront initiés du 19 au 25 février 2020, à raison de deux jours par groupe, aux techniques de communication pour le développement (C4D), un processus stratégique, systématique, planifié et à base de preuve destinées à promouvoir un comportement individuel positif et mesurable, pour conduire à un changement social qui fait partie intégrante des programmes de développement, des politiques de plaidoyer et du travail humanitaire. La première partie de cet atelier de renforcement des capacités des journalistes a démarré mercredi 19 février 2020 à Nouakchott, avec un premier groupe de 20 journalistes.

Cette première journée a été marquée par deux communications, les droits de l’enfant dans l’Islam et la C4D. Les travaux se poursuivent jeudi 20 février avec d’autres communications, les «Pratiques Familiales Essentielles (PFE) », les «Approches des droits humains : principaux droits de l’enfant et de la femme », la « Convention des Droits de l’Enfant (CDE) » qui sera suivie d’un exposé sur le «Rôle des journalistes dans la promotion des pratiques de santé de développement de l’enfant ».

Les présentations se sont déroulées dans un mode interactif et participatif avec d’intenses débats et échanges entre les participants et le groupe d’experts. Les mêmes thèmes seront abordés à l’intention des deux autres groupes.

A noter que cet atelier de renforcement des capacités des journalistes sur les droits de l’enfant et de la femme est organisé par le Réseau des journalistes mauritaniens pour les droits de l’Homme, en collaboration avec l’UNICEF. La C4D vise à accélérer l’obtention des résultats clés du Plan stratégique à moyen terme de l’UNICEF (PSMT) conçu d’abord pour les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) puis pour les Objectifs de Développement Durable (ODD) par l’accroissement des connaissances et de la prise de conscience, l’amélioration et le développement de nouvelles compétences, maintenir et augmenter la demande de produits et services, améliorer la performance des fournisseurs de service, changer les comportements individuels et les pratiques collectives, influencer les attitudes, les normes sociales et les relations de pouvoir, augmenter l’estime de soi et promouvoir l’auto-efficacité et changer les politiques nationales et locales, ainsi que la législation.

Cheikh Aïdara