aidara

Sous l’ère Ghazwani, l’injustice décuple d’intensité, cas des 150 familles de Sélibaby déguerpies au profit des riches commerçants de la ville

Ils s’appellent Sayed Ould Moustapha, Vatimetou Mint Ahmed El Hadj, MBoirika, Kelly Sow…et ils viennent de perdre vingt ans de vie en tant que citoyen de la République. Le tort des 150 familles de Sélibaby, installées depuis 2001 par l’Etat mauritanien aux termes d’un lotissement et disposant de titre de propriété, est qu’ils sont pauvres, sans défenses. La société ISKAN, face à la démission des autorités administratives et de l’Etat mauritanien, a décidé de les déloger pour installer sur leur terrain les riches commerçants de la ville.

C’est la nuit et ces femmes déguerpies vivent leur première nuit sous les étoiles après la destruction de leur habitat (Crédit Seyed)

Comment comprendre que le programme politique du Chef de l’Etat, Mohamed Cheikh Ghazwani axé sur la priorité accordée aux plus démunis et aux exclus, soit dévoyé par les autorités qui sont sensées appliquer sur le terrain l’esprit de ce programme.

De deux choses l’une, soit Son Excellence Monsieur Mohamed Cheikh Ould Ghazwani veut impulser la dynamique de changement souhaitée par le peuple mauritanien et dans ce cadre il doit se débarrasser de tous les piliers de l’injustice de la décennie sombre de son prédécesseur, soit son discours sert juste pour la consommation et dans ce cadre on comprendrait parfaitement sa volonté à maintenir le même système d’iniquité qui a prévalu durant les dix années passées.

Cette deuxième option semble malheureusement prendre le dessus, et le cas des 150 familles de Sélibaby, délogées par la société ISKAN pour attribuer leurs terrains aux riches commerçants de la ville, viendrait corroborer cette thèse.

En effet, selon Sayed Moustapha, porte-parole des familles éplorées, «les responsables de la société ISKAN sont venus il y a plusieurs mois pour dégager les artères dans le cadre de la restructuration de la ville de Sélibaby après les inondations de l’hivernage dernier. Tout ce qu’il y a de plus normal aux yeux des habitants qui, à l’instar des autres habitants de la ville, étaient prêts à se soumettre aux tracés des routes. Mais quel ne fut leur surprise quand ils surent qu’en réalité, ISKAN cherchait à les faire déguerpir purement et simplement pour donner leur terrain aux commerçants».

Les habitants déguerpis ont pourtant été légalement installés sur les lieux par l’Etat aux termes d’un lotissement datant de 2001 et chaque famille avait reçu un permis d’occuper. Essentiellement composé de nomades maures, peuls, soninkés et haratines, les habitants restaient à Sélibaby durant toute l’année scolaire pour suivre la scolarité de leurs enfants et pendant l’hivernage partaient soit pour cultiver la terre ou faire paître leurs animaux. La plupart n’ont pas de moyens pour construire, si ce n’est des habitats de fortune selon chacun les moyens dont ils disposent.

Il y deux ou trois jours, des agents de la société ISKAN accompagnés de la force publique sont descendus sur les lieux, ont saccagé les habitats des 150 familles, saisis tout leur immobilier, battus et arrêter plusieurs femmes, dont certaines sont encore à la police. Selon un responsable de la société ISKAN joint au téléphone et qui a requis l’anonymat, «la décision de faire déguerpir ces familles de Sélibaby est tout a fait légale, car il est bien stipulé dans le permis d’occuper que l’occupant doit mettre en valeur le terrain qui lui est attribué dans un délai de deux ans, sous peine de le perdre. Or, ces gens sont là depuis vingt ans et n’ont rien investi pour valoriser leur propriété. Dans ce cadre, il est tout à fait normal que l’administration attribue ces terrains à des personnes capables de les mettre en valeur dans le délai prescrit».

Face à ce qu’ils considèrent être une flagrante injustice, les familles se sont rendues auprès des autorités administratives, Wali et Hakem, sans trouver le recours attendu. Face à la démission de l’Etat par rapport à ses actes et à sa responsabilité de protection des plus pauvres et des plus démunis devant la cupidité des plus forts, les populations se sont adressées aux autorités judiciaires.

Il est certain qu’au moment où les Etats luttent contre l’extrémisme violent et les tensions sociales nés de la mal gouvernance qui engendre injustice et iniquité, de tels actes ne concourent ni à la paix civile ni à la concorde nationale. La justice, la justice, c’est le fin mot de l’espoir par l’arrivée au pouvoir en juillet 2019 de Mohamed Cheikh Ghazwani.

Cheikh Aïdara


Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS), une bouffée d’oxygène pour le monde rural en Mauritanie

Ils avaient besoin d’activités génératrices de revenus (AGR), de formations dans divers domaines, de médicaments et de personnels vétérinaires, de véhicules, d’aires de repos pour les animaux convoyés sur de longues distances, mais aussi de marchés modernes équipés pour la vente de bétail, d’abattoirs…Ils, ce sont les pasteurs mauritaniens et leur famille qui retrouvent un second souffle de vie à travers les multiples interventions du PRAPS, lequel grâce aux 45 millions de dollars de la Banque Mondiale, aux fonds dégagés par l’Etat mauritanien ajoutés à leur propre contribution, est en voie de satisfaire à l’ensemble de leurs besoins. Reportage.

Les femmes adhérentes de la coopérative de Bouteydouma appuyées par le PRAPS (Crédit Aidara)

Tout est parti de la Déclaration de Nouakchott du 29 octobre 2013 sur le pastoralisme au Sahel. Les six pays présents à cette rencontre, Mauritanie, Mali, Sénégal, Burkina Faso, Niger et Tchad, décident de «sécuriser le mode d’existence et les moyens de production des populations pastorales et d’accroître le produit brut des activités d’élevage d’au moins 30% au cours des cinq prochaines années, en vue d’augmenter significativement les revenus des pasteurs dans un horizon de 5 à 10 ans».   Ainsi est né le PRAPS qui, grâce au concours du fonds IDA de la Banque mondiale, a mobilisé pour la Mauritanie une enveloppe de 49, 9 millions de dollars U.S (environ 1,8 milliards MRU), 90% couverts par la Banque Mondiale et 10% représentant la contrepartie de l’Etat et des bénéficiaires. En Mauritanie, le projet intervient dans dix Wilayas, 36 départements et 179 communes, pour une période de six ans, de 2015 à 2021.

A un an de la fin du programme, le bilan semble élogieux. Pour évaluer l’impact des réalisations du PRAPS au profit des 400.000 bénéficiaire du projet en Mauritanie dont 30% de femmes, un groupe de journalistes a sillonné trois wilayas du pays, Trarza, Brakna et Assaba, en compagnie d’une mission du projet.

Le parc de vaccination de Kraa Lahmar

arrivée de la délégation à Kraa Lahmar (crédit Aidara)

C’est un véritable parcours du combattant pour arriver à Kraa Lahmar, localité située entre dunes de sables et forêts de jujubiers, à une bifurcation près de la ville de Boutilimit, chef-lieu du département en pleine région du Trarza.Quelques maisons éparpillés où le solaire tient lieu de source d’énergie. Pour alimenter les téléphones portables devenus indispensables, tout comme les vaccins fournis par le projet PRAPS, les équipes vétérinaires mobilisées pour la circonstance et le périmètre des condiments. Une vingtaine de femmes est à l’accueil. L’une d’elles enfourche un long et strident «Youyou » de bienvenue.

Valla Mint Mahmoud (Crédit Aidara)

Valla Mint Mahmoud, présidente adjointe de la coopérative, tout comme ses camarades mobilisées pour la circonstance, est satisfaite des réalisations du projet, surtout les AGR, financés au profit des femmes. «Nous étions organisés avant l’arrivée du PRAPS, mais le projet a renforcé nos activités par la mise à disposition de matériels pour la conservation de nos produits, par la formation qui nous a été dispensés dans divers domaines. Aujourd’hui, nous faisons du couscous que nous vendons jusqu’à Rosso et Nouakchott et notre production en condiments est exportée dans les grandes villes, mais aussi nos cuirs tannés, ce qui nous a procuré d’importants revenus additionnels».

Le parc de vaccination de Kraa Lahmar (Crédit Aidara)

Mais l’attraction à Kraa Lahmar, c’est le parc de vaccination, l’un des 150 construits par le PRAPS dans ses zones d’intervention pour plus de 1 million de dollars, soit environ 36 millions MRU. Celui de Kraa Lahmar a coûté 256.590 MRU.

Mohamed Abdawa (Crédit Aidara)

Pour Ahmed Ould Abdawa, intérimaire du chef de village et président du comité de gestion du parc composé de deux femmes et trois hommes, « l’ouvrage nous épargne désormais les 10 kilomètres que nous parcourions à chaque campagne pour faire vacciner nos troupeaux, avec les risques liées aux pertes d’animaux en cours de route». Hamada Ould Ahmed Saïd, l’auxiliaire vétérinaire du village formé par le PRAPS renchérit, «aujourd’hui, même les plus réticents apportent leurs animaux pour la vaccination, ce qui a contribué à la baisse, sinon la disparition de plusieurs maladies qui décimaient le bétail».

L’Inspecteur Mohamed Imijine (Crédit Aidara)

A Rayan, village situé à quelques encablures plus au Sud, l’Inspecteur départemental, Mohamed Ould Imigine et son équipe sont en plein exercice, dans le parc construit par le PRAPS en ces lieux. «Le parc de vaccination de Rayan est situé entre 5 villages, ce qui en fait un pôle d’affluence, sauf qu’aujourd’hui une bonne partie du bétail est en transhumance. Le problème ce n’est plus les maladies que nous sommes parvenus à éradiquer grâce au PRAPS qui a mis à disposition les médicaments contre la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB), la peste des petits ruminants (PPR) ou encore la pasteurollose. Environ plus de 3 millions de vaccins sont mobilisés pour la campagne nationale chaque année. Le problème c’est le pâturage, nous avons subi plusieurs mauvaises saisons hivernales».

Pour l’inspecteur, le nombre d’éleveurs réticents à la vaccination a beaucoup diminué, surtout quand ils ont vu les résultats. Il a mis surtout la réussite des campagnes de vaccination sur le compte des moyens logistiques offerts par le PRAPS. «Auparavant, nous ne disposions pas de voitures, mais aujourd’hui chaque département est doté d’un véhicule offert par le PRAPS pour l’acheminement des médicaments et le transport des équipes de vaccination, carburant et indemnités du personnel compris».

La mini laiterie de Bouteidouma

Mini laiterie de Bouteydouma (Crédit Aidara)

Située à 69 Kilomètres de Rosso, face à la Nationale reliant Nouakchott, Bouteidouma, localité relevant de la commune de MBallal dans la Moughataa de Keur Macène, est fière de sa mini laiterie construite grâce au concours du PRAPS pour un montant de 6.250.000 MRU. D’une capacité de 100 à 200 litres de lait par jour, cette unité de transformation du lait est gérée par les femmes. «La mini laiterie va faciliter l’accès au marché à des populations vulnérables, notamment les femmes et les jeunes, renforcer leurs capacités de résilience, combattre l’insécurité nutritionnelle et contribuer à l’amélioration des revenus des bénéficiaires» selon la fiche de présentation du projet.

Vatimetou Mint Mohamed Zayed Mouslimine (Crédit Photo)

Vatimetou Mint Mohamed Zayed Mouslimine, présidente de la coopérative «Rahma» qui regroupe les 300 adhérentes du village, souligne que «l’intervention du PRAPS dans la localité de Bouteydouma est inestimable. Le projet a dispensé aux femmes et aux jeunes du village une formation de qualité dans les domaines du maraîchage, de la couture et de la tannerie, sans compter cette unité de transformation qui va changer complètement nos vies».

Rosso et le nouveau marché aux bétails

Futur marché à bétail de Rosso (Crédit Aidara)
Actuel marché à bétail de Rosso (Crédit Aidara)

Situé à deux ou trois kilomètres du centre-ville, le nouveau marché à bétails de Rosso est une infrastructure flambant neuf qui a coûté plus de 6 millions MRU. Construite sur un espace de 3 hectares avec service d’eau et électricité, il comprend plusieurs installations, bloc administratif,  magasin, pharmacie, salle polyvalente, service d’entrée, rampe d’embarquement et de débarquement des animaux, toilettes, aire de prière et de repos, 3 enclos et 6 abreuvoirs.
Il est probable, selon un membre de la mission, qu’une boutique communautaire soit financée au profit d’un groupe de femmes pour la vente de produits divers pour les usagers du marché. Les services de la commune s’attendent également à la création de plusieurs emplois, restauration, vente de cartes de crédits, commerces divers, entre autres.

Salem Def (Crédit Aidara)

Selon Salem Ould Def, président du comité de gestion du marché, «nous remercions le PRAPS pour la construction de ce nouveau marché qui nous change de celui dans lequel nous sommes actuellement et qui n’offre aucun confort ni commodités. Nous sommes prêts à déménager si les conditions minimales de viabilité sont assurées, notamment l’eau, l’électricité et la sécurité du bétail».

Les jeunes maraîchers du PK 6 Rosso

La dernière campagne vient de s’achever (Crédit Aidara)

Grâce au financement du PRAPS, 6.750.00 MRU, 46 jeunes filles et garçons du P.K 6 de Rosso, issus essentiellement de familles déportées pendant les évènements de 1989 et réunis au sein de la coopérative «Silvar», ont aménagé un périmètre maraîcher sur une superficie initiale de 5 ha qu’ils ont porté aujourd’hui à 7 ha.

Amadou Sy (Crédit Aidara)

Amadou Sy, président du regroupement estime que sans l’aide du PRAPS, il était impossible aux jeunes d’exploiter ces étendues de terre. «Le PRAPS nous a aidés à acheter une motopompe, à louer un tracteur, une niveleuse et un chargeur pour l’aménagement du périmètre, mais aussi il nous a permis de recevoir des formations complètes en matière de culture et de gestion».

Si la première campagne a été un échec, poussant l’essentiel des jeunes à abandonner, la persévérance du noyau dur du regroupement a permis de récolter dès la seconde campagne, 21 tonnes de légumes. Un record qui sera suivi par les 14 tonnes de la troisième campagne. Largement suffisant pour pousser les jeunes déserteurs à revenir à la besogne. «Aujourd’hui, nous sommes satisfaits des rendements et nous comptons augmenter encore la surface à exploiter» explique Amadou Sy, un sourire radieux sur les lèvres.

Fama NDiouk et son mari (Crédit Aidara)

Fama NDiouk, «oublier les années sombres»

Fama NDiouk fait partie des jeunes membres de la coopérative «Silvar» du P.K 6. Agée de 25 ans, elle est mère d’un garçon et de trois filles. Elle n’a jamais fait l’école et trouve que le maraîchage initié par les jeunes du village grâce à l’aide du PRAPS a transformé sa vie. «Je travaille avec mon mari dans le périmètre et nous gagnons bien notre vie avec les revenus tirés après chaque campagnes. Avec ces revenus, j’ai développé un petit élevage de petits ruminants et j’aide aussi ma famille» a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, le regard perdu, «cette nouvelle vie m’a fait oublier les années sombres du camp des réfugiés, quand nous sommes revenus, sans rien».

Hamdallaye, chez les éleveurs peulhs du Brakna

les femmes de Hamdallaye attendent beaucoup de la mini-laiterie (Crédit Aidara)
Chantier de la mini-laiterie en finition (Crédit Aidara)
Fatimata Abdoulaye Sow (Crédit Aidara)

Fatimata Abdoulaye Sow, présidente de la coopérative de Hamdallaye, localité située à 18 kilomètres au Sud de Boghé dans la Wilaya du Brakna, a réuni sa petite troupe dans la mini laiterie en construction du village, celle que le PRAPS a installée et qui doit être réceptionnée dans quelques mois. Une ribambelle de femmes bien habillées et fières de leur futur projet. «Avant, nous ne savions quoi faire de notre lait que nous étions obligées de verser parfois, faute de débouchés pour l’écouler et de moyens pour le transporter frais à Boghé. Avec cette mini laiterie que le PRAPS nous offre, non seulement, nous pourrons conserver notre produit et le transformer, mais nous aurons davantage de moyens pour accéder à d’autres marchés, comme le Sénégal voisin et pourquoi pas Nouakchott et d’autres grandes villes du pays» a-t-elle ajouté

Habi Amadou Bâ, de femme au foyer à femme active

Habi Amadou Bâ (Crédit Aidara)

A 25 ans et mère de trois enfants, Habi Amadou Bâ, est une femme comblée. «Jusque-là, j’étais femme au foyer, mais grâce à la coopérative je suis devenue utile, car je gagne de l’argent avec les AGR que le projet PRAPS nous a octroyés, sur la base de formations que nous avons reçues en matière de production, conservation et commercialisation de lait. Avec la mini laiterie, je compte gagner encore plus, tout comme les femmes membres de la coopérative de Hamdallaye. Je pourrais mieux m’occuper de la scolarisation de mes enfants et contribuer au revenu familial».

Le nouveau marché à bétail de Boghé et son abattoir

2ème maire adjoint Boghé (Crédit Aidara)

Selon le 2èmemaire adjoint de Boghé, Mohamed Amadou Dia, «la nouvelle équipe municipale est installée il y a juste une année et son partenariat direct avec le PRAPS commence avec le nouveau marché à bétail en construction et la réhabilitation de l’ancien abattoir. Ces réalisations vont certainement contribuer à la création d’emplois, notamment chez les jeunes, et la fixation des populations dans leur terroir». Et d’ajouter «l’actuel marché à bétail est installé dans une propriété privée et dans un espace non approprié, c’est pourquoi nous avons aménagé le nouveau marché sur un terrain qui appartient à la municipalité».

Dr. Maréga Mamadou (Crédit Aidara)

Dr. Maréga Mamadou Yahya, Coordinateur du projet PRAPS au niveau du Brakna, estime que «les deux infrastructures en finition, le marché à bétail et l’abattoir, vont donner une nouvelle impulsion dans la mise à disposition de produits animaliers de qualité, car la nature de ces installations se prête davantage au contrôle vétérinaire et permettra la fourniture de données statistiques fiables sur les entrées et sorties d’animaux destinés à la vente et à l’abattage».

Chantiet du futur marché à bétail de Boghé (crédit Photo)
Actuel marché à bétail de Boghé (Crédit Aidara)

Le nouveau marché à bétail de Boghé est identique à celui de Rosso dans sa conception, la composition de ses installations et le montant dégagé pour sa construction, 6.610.794 MRU

Le parc de vaccination de Bougamra

Les filles agents auxiliaires en pleine campagne de vaccination à Bougamra (Crédit Aîdara)

Bougamra, localité située à une quinzaine de kilomètres au Sud-Est de Kiffa, est fière de son parc de vaccination, construite par le PRAPS et réceptionnée il y a juste une douzaine de jours. D’une capacité de 300 à 400 bêtes, le parc constitue une réalisation de taille pour les éleveurs de cette zone enclavée de l’Assaba, eux qui parcouraient plus de dix kilomètres pour faire vacciner leur bétail.

Zeynabou Moma (Crédit Aidara)

Zeynabou Mint Moma, septuagénaire, est venue avec son fils pour faire vacciner ses douze vaches. «Ce parc est un don d’Allah. Aujourd’hui, nous avons la vaccination à portée de la main, alors qu’auparavant, il nous fallait parcourir de longues distances pour obtenir ce service».

Kalidou Camara (Crédit Aidara)

Nouveauté, trois jeunes filles auxiliaires vétérinaires formées par le PRAPS, sont chargées de la besogne. Selon Kalidou Camara, Inspecteur départemental de l’élevage au niveau de Kiffa, «nous formons de plus en plus de filles à la vaccination et aux soins vétérinaires, pour répondre aux exigences genre du projet PRAPS»

Feytima, Aïcha et Loghneya, trois blouses blanches inédites dans le monde vétérinaire

Jusque-là, le métier d’agent auxiliaire vétérinaire était circonscrit aux hommes. Mais depuis l’intervention du projet PRAPS, de plus en plus de filles sont formées dans un monde qui leur était jusque-là tabou. C’est le cas de Feytima Mint Didi, Aïcha Mint Rajel Samba et Loghneya Mint Moustapha, formées en juin et juillet 2019 par le PRAPS au niveau de la Délégation départementale de l’Elevage à Guerrou. Elles ont parcouru plus de 50 kilomètres pour assister à la séance de vaccination de Bougamra. «Nos famille et même nos amies trouvent bizarres que nous ayons choisi le métier d’agents auxiliaires vétérinaires. En réalité, nous avons aimé ce métier et nous souhaiterions bénéficier davantage de formations pour accroître nos connaissances » souligne Aïcha.

Ainsi, pendant les six mois de campagne de vaccination, les filles travaillent à plein temps, sillonnant les zones d’intervention du projet dans la Wilaya de l’Assaba avec les équipes de vétérinaires. Et en dehors de la campagne ? «Nous exerçons au niveau de la Délégation départementale de Guerrou, et là, nous ne chômons pas, car il y a toujours des animaux qui ont des problèmes de digestion, de fracture, de mise à bas, ou de maladies que nous devons soigner» explique Feytima.

L’aire de repos de Faam Lekhdheyrat

Véritable zone de convergence d’animaux en transhumance ou en transit depuis les deux Hodhs, le site choisi par le PRAPS pour servir d’Aire de Repos, sur avis concerté entre les autorités et les bénéficiaires, est considéré comme le plus approprié par les intéressés.

Il s’agit d’un espace situé dans la localité de Faam  Lekhdheyrat, commune de Aghoratt, Moughataa de Kiffa, Wilaya de l’Assaba, en bordure de la route de l’Espoir. Les infrastructures construites par le PRAPS pour la bagatelle de 2.850.977 MRU (81.456 USD) avec eau et électricité, sont composées d’un bloc administratif, un bloc de gestion, une salle polyvalente, un magasin, une pharmacie et une loge pour gardien, en plus d’un hangar de repos, une aire de prière, un bloc de toilettes (hommes/femmes), une rampe d’embarquement et débarquement, un château d’eau et plusieurs abreuvoirs. Le nombre de bénéficiaires est estimé à 200 commerçants de bétails, éleveurs, transporteurs.

Le président du comité de gestion (Crédit Aidara)

Selon Mohamed Abdallahi, président du comité de gestion de l’aire de repos, «cet espace constituait auparavant de lieu de regroupement des convoyeurs et des commerçants de bétail, mais il n’y avait pas d’infrastructures». Selon lui, il manque juste une clôture et un espace pour la culture fourragère.

dr. Mohameden Ould Seyid (Crédit Aidara)

Pour le Délégué Régional du Ministère du Développement Rural, coordinateur du PRAPS au niveau de l’Assaba, Dr. Mohameden Ould Seyid, «Kiffa, avec ses 400.000 habitants, est la deuxième ville la plus peuplée du pays après Nouakchott. C’est une région essentiellement sylvo agropastorale qui souffre autant que les autres régions du pays et le Sahel d’une manière générale de déficits pluviométriques qui impactent négativement sur l’élevage». Mais selon lui, l’éleveur dispose aujourd’hui de l’information pour gérer son troupeau, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Et de souligner l’apport considérable du PRAPS dans le domaine de la santé animale, mais aussi dans la construction de parcs de vaccination dont la disposition géographique a considérablement réduit les distances pour les éleveurs. «Les aires de repos construites par le PRAPS, dotées de toute l’infrastructure nécessaire,  permettront aux convoyeurs et à leurs charges animales de disposer d’aires de repos après 600 kilomètres de route entre Néma par exemple et Nouakchott, qui est souvent la destination finale. Dans ces espaces, les animaux peuvent se reposer, reprendre du souffle, se faire soigner, se restaurer, tout comme les transporteurs, avant de reprendre la route».

Pour Mohamed Moustapha, Responsable administratif et financier de la commune de Kiffa, «les retombées fiscales pour les communes seront importantes, car une telle infrastructure va générer plusieurs activités connexes, comme le commerce divers et la restauration, pour ne citer que ceux-là».

Chantier du nouveau marché à bétail de Kiffa (Crédit Aidara)

Avant de quitter l’Assaba, la mission a visité le nouveau marché à bétail de kiffa encore en chantier et conçu sur le même format que celui de Rosso et de Boghé. Selon Ghoulam Ould Abdatt, ingénieur auprès du cabinet BETACO  chargé du suivi des travaux, «la réception de l’ouvrage est prévu le 9 juillet 2020». Deux autres marchés à bétail sont en construction dans la région, notamment à Tenaha et à Moucheich pour un montant global de 29.276.161 MRU.

Formations qualifiantes

A noter aussi que le PRAPS, en collaboration avec l’Institut National de la Promotion de la Formation Technique et Professionnelle (INAP-FTP), a formé plus de 500 jeunes pasteurs dans divers métiers qualifiants, dont un nombre important de filles. Ces métiers sont la transformation, le tannage, l’électrification rurale, la transformation des légumes et des produits laitiers, la plomberie, le maraîchage, l’électricité rurale, la santé animale, l’aviculture. Les jeunes issus de plus de 130 villages dans huit Wilayas du pays ont été ciblés. L’ensemble des jeunes ont reçu, à la fin de leur formation, des kits et des équipements pour leur permettre une insertion rapide dans la vie active.

La mission était composée de journalistes nationaux, sous la conduite du Spécialiste communication du PRAPS Mauritanie, de l’Experte communication de l’Unité régionale de Coordination du PRAPS-CILSS basée à Ouagadougou (Burkina Faso) et du journaliste de RFI, Seyouba Traoré, animateur de l’émission «Les coqs chantent».

Cheikh Aïdara


Affaire Jean Marc Pelenc, antisémitisme et extrémisme religieux au sein de la diplomatie mauritanienne

Mme Marième Mint Aoufa

L’affaire Jean Marc Pelenc, activiste des droits de l’homme et président d’IRA-France expulsé de la Mauritanie par erreur et autorisé à revenir s’il le souhaite, a connu un nouveau rebondissement avec l’entrée en scène de Madame Marième Mint Aoufa, diplomate et fonctionnaire statutaire, ancienne ambassadrice de la Mauritanie à Rome.

En effet, au lendemain de la déclaration faite par le Ministre des Affaires Etrangères qui, rassurant l’ambassadeur de France qu’il recevait, parlait d’une «erreur » s’agissant de l’expulsion de M.Pelenc, Son Excellence la Directrice du département Amérique-Asie-Pacifique publiait un tweet ainsi libellé : «il est louable ce que les autorités ont fait, en expulsant le juif Jean Marc du journal Charlie Hebdo, qui offense la religion islamique en général, le Saint Coran et le Grand Messager, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix en particulier, en essayant d’entrer dans notre pays, par l’aéroport Oum Tounsy. Il est donc bien naturel de chasser la malveillance et ses adeptes, de la terre des lumières et des Almoravides».

En réponse à ce tweet, le mouvement IRA-Mauritanie considère que la réaction de Mme Aoufa ne comporte rien de bien original si l’on considère la banalité de tels propos, si l’auteur n’était pas un membre du personnel de l’administration publique. Ainsi, la judéophobie, reflexe hérité en Mauritanie se double, selon le communiqué, d’une promotion du Jihad de la part d’une employée de l’Etat, dans le domaine combien stratégique de la diplomatie. Et de rappeler que le gouvernement qu’elle représente participe à la force conjointe du G5 Sahel et compte parmi ses alliés, d’Afrique et du Monde libre, l’ensemble arabo-musulman, des puissances qui collaborent dans le cadre de la résistance à la terreur au nom de la foi.

Et IRA-M de soutenir que l’honorable Mme Aoufa approuve in fine, l’attentat contre Charlie-Hebdo puisqu’elle adopte les arguments des frères Kouachi, auteurs de la tuerie du 7 janvier 2015 à Paris. Elle l’agrémente, selon le document, d’une incitation à la haine raciale qu’un Nazi ne désavouerait ni aucun illuminé qui trouverait là, une raison pour assassiner M.Pelenc.

En définitive, selon IRA-M, les mots de Mme Marième Aoufa interrogent la crédibilité extérieure de la Mauritanie. Le problème se présente ainsi sous des auspices d’autant moins rassurants que le parti au pouvoir, lors de son congrès du 28 décembre 2019, abritait un contingent de délégués âpres à réclamer une revanche contre le Français. A divers niveaux de sensibilité sécuritaire, notamment la police criminelle, la magistrature, la diplomatie et les renseignements, la Mauritanie abrite des sympathisants spontanés de l’extrémisme, produits de trois décennies d’hostilité aux langues étrangères. La menace viendrait à présent, selon IRA-M, du cœur de l’entité en charge de protéger sur le sol national, les citoyens et les ressortissants d’ailleurs.

Aujourd’hui, il convient, poursuit le document IRA-M, d’admettre la faille et la traiter, sans atermoiement ni paranoïa avant de devoir payer le prix  lourd de sa duplication.

Et de conclure,  «l’histoire rappelle à quel degré de ruine mènent le racisme et la répulsion envers un humain, du seul fait de sa différence. Les grandes tragédies commencent souvent en petites phrases».

Cheikh Aïdara


Birame Dah Abeid, l’homme qui a marqué la décennie 2008-2019

S’il y a un acteur qui a marqué la scène politique et droit de l’hommiste en Mauritanie durant la décennie 2008-2019, c’est bien Birame Dah Abeid. Deux périodes peuvent être distinguées dans la vie de cet illustre personnage. Une période que certains qualifient de provocatrice et de radicale dans son combat contre l’esclavage qui va de 2008 à 2014, et la période suivante où son discours évolue compte tenu de son statut de présidentiable qui cherche à brasser plus large. Outre l’électorat haratine et négro-africain qui forme l’essentiel de son contingent politique, il aspire désormais à séduire l’électorat arabe.

Sa popularité dépasse les frontières de la Mauritanie et son aura en fait aujourd’hui le politique et l’activiste des droits de l’Homme qui a le plus marqué la décennie 2008-2019, en particulier l’année 2019. Son élection comme député à l’Assemblée Nationale à partir d’une cellule de prison en septembre 2018 et son arrivée en 2ème position aux élections présidentielles du 22 juin 2019, face à des ténors politiques, un ancien Premier ministre, une coalition de Halaybé et un leader historique, sans structure politique et sans soutiens financiers forts, constitue un exploit inédit. Il, c’est Birame Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), député à l’Assemblée nationale, deuxième sur les deux dernières élections présidentielles (2014 et 2019), et l’un des défenseurs des droits de l’homme le plus titré du continent.

 En somme, la vie de Birame Dah Abeid ressemble à s’y méprendre à celle des grandes figures noires de l’Histoire contemporaine, à l’image de Martin Luther King, Malcom X, Nelson Mandela, pour ne citer que ces hommes aux destins si croisés et semés d’embûches. Des destins tissés autour de combats pour un idéal, l’égalité des races et la justice sociale, notamment en Mauritanie, pays traversé par des courants et des idéologies qui s’entrechoquent autour de questions aussi controversées que l’esclavage, le racisme d’Etat, l’exclusion des descendants d’esclaves et la stigmatisation de la composante négro-africaine, mais aussi la pauvreté et les injustes qui n’épargnent aucune communauté.  Jamais homme n’a été aussi combattu, haï, voué aux gémonies, embastillé et pourchassé au cours de la dernière décennie. Jamais également acteur mauritanien n’a été aussi décoré et distingué sur les plus prestigieuses tribunes du monde, en Irlande, en Belgique, jusque dans l’hémicycle des Nations Unies.

Cependant, l’évolution de Birame Dah Abeid, peut-être scindée en deux grandes périodes, celle du défenseur des droits de l’homme qui passe par l’ultra-radicalité pour nourrir sa confrontation contre la société maure, ce qui lui vaudra plusieurs séjours en prison, et celle de la recherche du consensus et du rassemblement autour de questions non plus communautaristes, mais d’envergure nationale, pour nourrir de nouvelles ambitions politiques.

Birame, « l’impénitent provocateur« 

Le combat premier de Birame Dah Abeid sera d’abord circonscrit dans son propre ensemble, celui de la communauté maure, où sa frange, celle des Haratines à laquelle il appartient, se sent oppressée, exploitée et oubliée dans le partage du pouvoir politique et des prébendes économiques. Les militants d’IRA commencent le combat par la revendication d’une nouvelle identité, l’identité Harratine, pour se démarquer de leurs tribus. Le tout servi par un discours jugé subversif et diviseur de l’ensemble maure.

Birame quitte SOS Esclaves, une organisation non gouvernementale qui combat l’esclavage et dans laquelle il militait. Son président, Boubacar Messaoud et les siens ne peuvent cependant être accusés de n’avoir pas servi loyalement et engagement la cause antiesclavagiste. Ils ont eu leur lot de brimades et d’emprisonnement, connue des succès et essuyé des échecs plus d’une décennie durant pour la défense de la cause, avant d’être officiellement reconnue en 2005, après la chute de Ould Taya.

Mais Birame trouvait sans doute que les moyens de lutte de SOS Esclaves étaient peu énergiques et molles à son goût. Il décide de fonder une organisation radicale au discours percutant. Le premier noyau dur est formé de quelques compagnons, de jeunes intellectuels révoltés par la situation des communautés noires, haratines et négro-africaiines, notamment Brahim Ould Ramdhane, Hamady Lehbouss, Ahmed Hamdy, Balla Touré et d’autres qui l’ont rejoint, persuadés que sans une secousse violente contre la muraille féodale, l’esclavage aura encore de beaux jours devant lui.

Une organisation ultra-radicale est née, l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA). L’objectif de ce mouvement, obliger les autorités à appliquer la feuille de route des Nations Unies et la loi 2O07-048 criminalisant l’esclavage qui venait d’être adoptée. Très vite, l’organisation prend de l’ampleur, plusieurs jeunes harratines et négro-africains, séduits par le discours rugueux et radical d’IRA s’engouffrent dans la brèche. Les discours d’IRA choquent par leur nature crue et provocatrice. Les militants traquent les cas d’esclavage, forcent la police à interpeller les suspects de pratiques esclavagistes, organisent des sit-in devant les commissariats de police pour éviter que les coupables ne soient mis en liberté in petto. SOS Esclaves et IRA exigent la révision de la loi 2007 et parviennent avec la pression internationale à faire adopter une loi plus répressive en 2015. Les peines sont doublées et la société civile peut désormais se porter partie civile.

Des dossiers commencent à défrayer la chronique. Janvier 2012, le cas d’esclavage à Aïn Farba.
En 2013, une autre affaire éclate à Atar. C’est «l’affaire Oùmoulkheiry Mint Yarba »..
La même année, c’est l’affaire Noura, 18 ans, cette fois à Boutilimit. Les militants d’IRA observeront le plus long sit-in dans l’histoire du mouvement devant la brigade de gendarmerie pour exiger la traduction en justice des présumés maîtres. Puis, sans résultat après plus de quinze jours de sit-in,  ils organisent une marche de 150 kilomètres pour rejoindre Nouakchott et exprimer leur indignation face à l’impunité.
Plusieurs autres dossiers suivront, dont celui de Yarg et son frère. Le mouvement IRA jugé subversif par les autorités sera ainsi l’organisation la plus réprimée dans l’histoire des droits de l’homme en Mauritanie. Les sit-in d’IRA se terminent toujours par des séries d’arrestations, des charges policières, de plus en plus violentes, répressives et ciblées. Cela se termine souvent aux urgences des hôpitaux,..

En 2012, IRA engage un autre combat. Idéologique cette fois. C’est l’incinération des livres du rite malékite, considérés par le mouvement comme le fondement théologique de la perpétuation de l’esclavage en Mauritanie, «base de formation des administrateurs et des magistrats » soutient-on. L’incident créé un  séisme et soulève un large débat, des marches de colère organisées, vite instrumentalisées. C’est la fin de Birame et de IRA, prédisent déjà la plupart des observateurs. Birame est arrêté et emprisonné avec quelques militants. Ils seront libérés quelques mois plus tard et le cortège triomphal de leurs admirateurs s’étire sur des kilomètres, de la prison civile de Nouakchott jusqu’à son domicile au P.K 9. Un rassemblement monstre, populaire, inédit, qui fait trembler des certitudes. La même année, Birame Dah Abeid reçoit deux prestigieux prix, le Front Line Award for Human Rights Defenders at Risk de l’ONG Irlandaise Front Line Defender et le Prix des Nations Unies pour les droits de l’Homme.

En 2014, sans parti politique qui soutient sa candidature, Birame décide de se lancer en politique et participe en indépendant à l’élection présidentielle boycottée par la Coordination de l’opposition démocratique. A la surprise générale, il rafle la deuxième place devant deux chefs de partis politiques. Aux lendemains du scrutin, Birame décide de se mettre dans la peau d’un homme politique et commence à changer de discours. Au cours d’une conférence de presse largement médiatisée, il prône la modération et l’ouverture, se dit prêt à un compromis social. Le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz semblait plutôt préférer un Birame ultra radical qu’un Birame pacifiste.

Il est arrêté en  novembre 2014, en marge d’une caravane contre l’esclavage foncier qui avait sillonné la Vallée et à laquelle il n’avait même pas participé. Cette fois, Ould Abdel Aziz semblait vouloir en finir avec lui. Il est conduit à la prison d’Aleg, puis condamné le 15 janvier 2015 à 2 ans de prison fermes au cours d’un procès qu’il avait boycotté.

Birame, le présidentiable au discours rassembleur

Birame Dah Abeid, dans la peau du présidentiable qui se donne pour ambition de fédérer tous les Mauritaniens autour d’un projet politique, celui de l’après 2014, a enterré à quelques nuances près le Birame défenseur des droits de l’homme, celui dont le discours percutant avait longtemps catalysé les ressentiments et égratigné une Mauritanie qui ne voulait plus voir son image associée à celui du dernier «bastion négrier du monde»,. Birame ira plus loin. Il s’allie au parti  arabe Baath, Sawab,  l’ennemi numéro 1 de la communauté négro-africaine qui le rend responsable des épurations ethniques des années 89-91.

Le choix est d’autant plus dangereux que la plupart des militants d’IRA appartiennent à cette communauté dont la majeur parti l’avait rallié pour son courage, celui d’avoir porté en bandoulière leur cause, jusqu’à organiser les fameux pélerinages d’Inal, Wothié, Sory Mallé, ainsi que d’autres fausses communes dont aucun leader négro-africain n’avait osé foulé les pieds.  Mieux, Birame, aux yeux de la jeunesse négro-africaine, est celui qui a le plus défendu leur cause parmi tous les ténors de l’opposition, y compris ceux de leur propre faction.

Cette alliance entre IRA et Sawab sera ainsi utilisée à fond par les adversaires politiques de Birame Dah Abeid, notamment certains leaders Halpulaars qui voyaient d’un mauvais œil son empiètement sur ce qu’ils considèrent être leur plate-bande électorale dans la Vallée.

Certains jeunes militants négro-africains au sein de la communauté halpulaar membres d’IRA vont plus loin. Ils trouvent que la Coalition du Vivre Ensemble (CVE) savait qu’elle n’avait aucune chance pour gagner la présidentielle du 22 juin 2019 et que son seul objectif était de barrer la route à Birame Dah Abeid. Mais de l’autre côté, certains militants de la CVE qui trouvent l’accusation de ridicules trouvent que les intérêts de Birame et des leaders de la Coalition étaient d’’autant plus divergents que ces derniers ne pouvaient aucunement s’allier à un candidat soutenu par un parti  politique génocidaire, en l’occurrence le parti Sawab.

Ce qui est sûr, l’alliance IRA-Sawab, considérée par beaucoup d’observateurs comme un mariage de raison contre-nature, serait selon certains observateurs, une porte d’entrée qui allait permettre à Birame de s’ouvrir sur un électorat arabe, dont l’adhésion à son combat se résumait jusque-là à quelques individualités. A partir de là, le discours traditionnellement radical de Birame Dah Abeid va se muer en un discours politique, sorte de jeu d’équilibre où il cherchera à ménager la chèvre et le choux sans tomber toutefois dans la compromission, ni dans le déni de ses principes basés sur la lutte contre l’esclavage, les injustices sociales, l’exclusion.

Même après la proclamation des résultats controversés de l’élection présidentielle et les exactions qui les ont suivies, répressions et arrestation des militants, dont ceux d’IRA, Birame Dah Abeid, évite l’escalade et joue à l’apaisement. L’homme fougueux et impulsif des années de confrontation sur le terrain des droits de l’homme avait laissé la place à l’homme politique, calculateur et visionnaire, qui compte endosser un nouveau costume. Celui d’un futur Président de la République qui aspire à faire le consensus autour de sa personne plutôt qu’à jouer au leader d’un simple mouvement informel, fût-il l’un des plus emblématiques que la Mauritanie ait connu.

Cheikh Aïdara