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Genre et Développement, quand la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques se veut locomotive de l’approche en Mauritanie

Pendant trois jours, du 10 au 12 octobre 2022, les membres de la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs ont suivi une formation intensive sur l’approche genre. Un atelier au cours duquel l’accent a été mis sur l’exigence des bailleurs de fonds par rapport au respect de l’approche genre dans tous les pays.

Le Chargé de mission du ministère en compagnie du Hakem (à sa gauche) et du Conseiller du ministre – Crédit Aidara

Créée en janvier 2022 avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs a révélé un dynamisme qui lui permet de jouer le rôle de locomotive dans l’intégration de l’approche Genre dans toutes les politiques sectorielles.

D’où la formation intensive qui a été dispensée à ses membres, du 10 au 12 octobre 2022, au cours d’un atelier-retraite dans la ville de Tiguint, à mi-chemin entre Nouakchott et Rosso.

Comprendre le Genre pour plus d’efficience

Pendant trois jours, les membres de la cellule ont suivi une formation dispensée par une experte dans le domaine, Mme Neya Hally. Définition, concepts et généralités, différence entre sexe et genre, les stéréotypes liés au genre, ainsi que les notions d’égalité, d’équité et de discrimination en matière de genre, les pratiques traditionnelles néfastes, les explications détaillées de la consultante ont été suivies de débats et de discussions. Il fut question également de la nouvelle approche basée sur le Genre et le Développement (GD) au lieu de l’ancienne approche (IFD) qui se focalisait sur des activités exclusivement réservées aux femmes.

L’experte Genre en pleine séance d’explications – Crédit Aidara

Les membres de la cellule ont été également largement imprégnés des notions de violence sexiste et de violences basées sur le genre et les violences à l’égard des femmes ainsi que leurs manifestations diverses (violences physiques, affectives et psychologiques, le viol, les violences socioéconomiques, etc.

Les participants ont aussi suivi plusieurs présentations portant sur des thématiques comme « Genre et Développement », « Genre et Santé de la Reproduction », « Genre et droits humains ». Ont été également rappelées des mesures importantes, comme la Participation Politique de la Femme (PPF) dans un processus entamé en 2006 et qui a permis le quota de 20% accordée aux femmes dans les élections, quota relevé par la suite à 30%, à travers l’Ordonnance 2006-029 du 22 août 2006 révisée en 2012.

Des statistiques ont été fournies sur la base des données de l’EDS 2019-2020. Par exemple, le taux de mutilations génitales féminines (MGF) est de 70%, les mariages précoces, 17% chez les moins de 15 ans, violence sexuelle 6%, violences physiques 9,6% et les violences conjugales 5,3% chez les 15-49 ans.

Les membres de la cellule, le staff du ministère et une représentante de l’UNFPA (Aicha Sy en noir au premier plan) – Crédit Aidara

Ces taux sont jugés alarmants par la consultante qui a énuméré les différentes conventions internationales ratifiées par la Mauritanie ainsi que les mesures juridiques et institutionnelles prises pour la défense des droits des femmes. Elle a cité le Code du Statut Personnel, le Mécanisme de surveillance pour la mise en œuvre des conventions, les missions de la Commission nationale des droits de l’homme, de la Commission interministérielle et l’Office national des droits de l’homme, chargé des rapports de suivi et de la mise en œuvre des recommandations issues des Examens Périodiques Universels. Ont été aussi citées des institutions comme l’Observatoire Egalité-Genre et l’Observatoire National des droits des femmes et des filles.

Toutes ces dispositions n’ont pas permis une représentation significative des femmes dans l’administration et les fonctions électives (voir Encadré).

L’approche Genre encore mal comprise par les décideurs

La Mauritanie dispose d’une Stratégie Nationale d’Institutionnalisation du Genre (SNIG) de 2015, démarrée en 2017, qui peine à être mise en œuvre malgré le plaidoyer intense mené par le Ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille (MASEF).

Khadijetou Mint Yahya – Crédit Aidara

Les participants ont suivi également un exposé présenté par Khadijetou Mint Yahya, Directrice adjointe au Ministère des Affaires Economiques sur la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), notamment son Plan d’Action 2021-2025 qui prévoit parmi ses chantiers des volets portant accès des femmes à la santé de la reproduction et à la formation professionnelle ainsi qu’à l’éducation.

Khadijetou Mint MBourou, sage-femme et présidente de la Cellule Sectorielle Genre au niveau du Ministère de la Santé a aussi présenté une communication sur le Genre et la santé de la reproduction, indiquant les pesanteurs sociales et le manque de personnel féminin dans les postes de santé, ce qui continue de bloquer selon elle l’accès des femmes aux structures sanitaires, notamment dans les coins les plus reculés du pays où le poids des traditions reste vivace. Elle a surtout mis en exergue la faible prise en compte de la dimension genre.

C’est pourquoi beaucoup d’espoirs sont placés sur le Ministère des Affaires Economiques qui est au cœur des politiques économiques du pays et sur lequel les acteurs comptent pour booster l’approche genre dans les autres départements et dans toutes les politiques sectorielles.

Bouna Ely Bouha – Crédit Aidara

Pourtant, de l’avis de Bouna Ely Bouha, Conseiller du Ministre des Affaires Economiques qui pilote la dimension genre au niveau du département, dix cellules sectorielles genre ont été créés dans les différents départements clés de l’Etat. La plupart sont encore non opérationnelles, les responsables à la tête des institutions publiques, dont des ministres, n’appréhendent pas encore l’utilité de l’approche genre dans le processus de développement, selon l’avis de plusieurs participants.

Beaucoup ont surtout fustigé l’instabilité gouvernementale et les changements rapides et incessants des staffs des ministères, ce qui explique selon eux, l’anéantissement des efforts et l’éternel recommencement, chaque responsable faisant table-rase des actions entamées par son prédécesseur.

S’agissant de la cellule genre du Ministère des Affaires Economiques, Bouna Ely Bouha a fait état des deux études menées par le département, l’une sur l’approche genre dans quelques institutions publiques comme Taazour et le projet SWEDD et une étude plus globale sur l’approche Genre en Mauritanie financée par la Banque Africaine de Développement (BAD) et dont il fut question lors de la visite le 12 septembre du directeur de la BAD et de son staff à Nouakchott.

Il a également souligné que l’activité en cours est la première entamée par la cellule et qu’un arrêté est déjà sur la table du ministre fixant la composition de la cellule et les indemnités des membres, ainsi que le budget alloué. Il a pour l’occasion sollicitée l’appui de l’UNFPA en termes d’équipements et de moyen de locomotion.

Le respect Genre, une exigence des bailleurs

Khadijetou Lô, Chargée des questions liées aux violences basées sur le Genre à l’UNFPA a mis l’accent sur l’importance de la coordination, exprimant le souhait que la Cellule Sectorielle Genre du Ministère des Affaires Economiques puisse être élargie afin que chaque département y soit représenté. L’objectif serait de fédérer toutes les parties prenantes pour booster l’approche genre au niveau de tous les départements.

Khadijetou Lô (en blanc). En voile Khadijetou Mint MBourou – Crédit Aidara

Elle a mis en exergue l’importance de cette cellule et son imbrication sur la SNIG. Elle a souligné que sa position est stratégique car logée dans un ministère qui coordonne toutes les stratégies et politiques de la SCAPP, laquelle prend en compte les engagements de la Mauritanie vis-à-vis de la Conférence Internationale Population et Développement (CIPD). Elle a rappelé au passage les 11 engagements du pays pris lors de la CIPD+25 à Nairobi, la 5ème portant sur le Genre, mais aussi par rapport à l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD) et l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.

Aujourd’hui, a-t-elle dit en substance, le respect de l’approche Genre dans toutes les politiques sectorielles est devenu une exigence des bailleurs de fonds au niveau international.

Le constat, relevé lors des débats, est que le Plan d’Action de la SCAPP 2021-2025 ne prend pas suffisamment en compte la dimension genre. C’est pourquoi les bailleurs ne s’intéressent plus à la Mauritanie, selon le constat fait par des observateurs suite à la dernière réunion de Banjul sur les MGF, où la Mauritanie n’a pas reçu de financement à cette occasion.

A rappeler que l’ouverture de l’atelier s’est déroulée sous la présidence de Mohamed Habiboullah Mohamed Ahmed, Chargé de Mission au Ministère des Affaires Economiques et le Hakem de Tiguint, Bâ Alpha Ibrahima, en présence de Mohamed Teghra, Conseiller du Ministre des Affaires Economiques et de Mohamed Bedde, Conseiller de la Ministre de l’Action Sociale.

Cheikh Aîdara

ENCADRE 1

État de lieu de la participation des femmes aux postes administratifs et mandats électoraux

2 femmes ministres à la Présidence de la République et 4 femmes ministres
1 femme Commissaire (Sécurité Alimentaire) au rang de ministre
1 femme Directrice de Cabinet du Premier Ministre
1 femme Directrice à l’Agence de Promotion de l’Investissement
1 femme Directrice de PROCAPEC
1 femme Secrétaire Général au Gouvernement
8 femmes Hakem Mouçaid
1 femme au grade de Commissaire de Police
18 femmes Officiers de Police et/ou Inspectrices de Police dont 4 dirigent les Commissariats pour Mineurs et 1 au Commissariat de la Police Judiciaire et sont appelés Commissaires
0 femme Directrice à l’Action Sanitaire
98 femmes médecins généralistes
34 femme Médecins Spécialisés (toutes spécialités confondues)
1 femme Directrice Régionale de l’Education Nationale (DREN)
1 femme Directrice de l’Hôpital Mère et Enfant
1 femme Directrice de la Société de Transport
1 femme Directrice à la Centrale d’Achat des Médicaments (CAMEC)
23 femmes professeurs dans l’Enseignement Supérieur
180 femmes d’Affaires (environ)

ENCADRE 2

Postes décisionnels             Total           Hommes            Femmes      % de Femmes
Ministres2822621.4%
SG Ministères2522312%
Ambassadeurs/Consuls444049%
Wali151416%
Hakem636123%
Députés1571263119.7%
Maires219208115.02%
Conseillères municipales38312446138536.15%
Présidente Conseil Régional1311215.33%
Conseillères Régional2311329942.85%
Magistrats31431310.31%
DREN151410.19%
DRAS151500%
Source : MASEF


En Mauritanie, le Commissariat aux Droits de l’Homme lance une campagne de sensibilisation contre la traite, l’esclavage, la discrimination et la torture

Le Commissaire aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, M. Cheikh Ahmedou Ould Ahmed Salem Ould Sidi, a lancé ce jour, 12 octobre 2022 au Palais des Congrès de Nouakchott, la caravane nationale de sensibilisation contre la traite des humains, l’esclavage, la discrimination et la torture. C’était en présence de plusieurs autorités publiques, les partenaires et la société civile.

Le Commissaire lors de son allocution – Crédit Aidara

Sous le thème « Ensemble pour préserver la dignité humaine et les droits dans un Etat de droit », le Commissaire aux Droits de l’homme a lancé le 12 octobre 2022 la campagne nationale de sensibilisation sur les instruments juridiques contre la traite des êtres humains, l’esclavage, la discrimination et la torture.

Une campagne, pourquoi ?

Cette campagne continue de battre son plein au niveau des Wilayas (régions administratives) de Nouakchott et celles de l’intérieur du pays. La traite des personnes, l’esclavage, la discrimination et la torture constituent des injustices sur lesquelles la Mauritanie est régulièrement interpellée à chaque Examen Périodique Universel (EPU) devant le Conseil des Nations Unies des droits de l’homme à Genève, examen auquel sont soumis tous les Etats. Malgré les mesures adoptées pour combattre l’esclavage, à travers notamment les tribunaux spéciaux ou la loi de 2015 incriminant les pratiques esclavagistes, les ONG antiesclavagistes comme SOS Esclaves et IRA ne cessent de dénoncer le « laxisme » des autorités judiciaires face aux nombreux cas qui leur ont été soumis. Pour renforcer le caractère répressif des mesures luttant contre les tares sociales que sont l’esclavage et les formes de racisme qui l’accompagnent, la Mauritanie a adopté d’autres dispositifs comme la loi contre la discrimination et la loi contre la traite des êtres humains, tout en créant un mécanisme national de prévention de la torture.

Cette campagne d’une grande importance est menée en collaboration avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, la Commission nationale des droits de l’homme, le Mécanisme national de prévention de la torture et l’Observatoire national des droits des femmes et des filles, ainsi que la société civile et les partenaires internationaux.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

Diffuser une large culture des droits humains

L’activité de sensibilisation en cours, selon le Commissaire aux droits de l’homme, a pour objectif l’information du public par rapport aux lois condamnant les faits de torture et d’esclavage, ainsi que la discrimination et la traite des personnes. Elle vise aussi à sensibiliser les populations autour de ces questions et les peines prévues par la législation pour les réprimer.

« Cette campagne constitue une étape importante car elle traduit le discours historique du président de la République M. Mohamed Cheikh Ghazouani à Ouadane, lorsqu’il a appelé à combattre toutes les formes d’injustice sociale, notamment les tares héritées de notre patrimoine culturel, à purifier le discours social et l’expurger de tous les préjugés et faux stéréotypes qui la travestissent », a déclaré le Commissaire aux Droits de l’Homme durant l’allocution qu’il a prononcé à l’occasion.

Il a souligné que le lancement de cette campagne nationale coïncide avec celui de l’Ecole républicaine qui vise à renforcer la cohésion sociale, à consolider le principe de l’équité et de l’égalité, en redonnant à nos établissements d’enseignement le rôle qu’ils ont toujours joué jadis dans l’ancrage des valeurs républicaines comme pilier de notre unité nationale.

Vue partielle des participants – Crédit Aidara

« Le Commissariat aux droits de l’homme ne cherche pas à faire de cette campagne une fête foraine ni une simple formalité de passage, mais plutôt le lieu d’une interaction profonde entre les Mauritaniens, un moment d’intense communion, une occasion de mieux comprendre l’intérêt d’appliquer les lois condamnant l’esclavage, la traite, la discrimination et la torture », a précisé le Commissaire aux droits de l’Homme.

À ce titre, il a souligné que son institution sollicite l’appui et la coopération de tous les acteurs, les membres du gouvernement et les organismes non gouvernementaux dans cette lutte. Le Commissaire aux droits de l’Homme a également rappelé la nécessité d’unir leurs efforts pour atteindre les objectifs recherchés à travers cette campagne nationale. Il a salué au passage les efforts d’accompagnement et de soutien des partenaires au développement, notamment lors de la période préparatoire de cette campagne de sensibilisation.

Le Commissaire prononçant son discours – Crédit Aidara

Points de vue des acteurs

S’exprimant à son tour, le président de SOS Esclaves, M. Boubacar Ould Messaoud a souligné l’importance d’initier de tels programmes au profit des victimes de l’esclavage. « La conception, la mise en œuvre et le suivi de ces programmes, ainsi que les politiques qui les accompagnent, doivent faire l’objet d’un partenariat solide entre les organisations de la société civile et les institutions gouvernementales », a-t-il précisé.

De son côté, le président du Forum des Acteurs Non étatiques, M. Mohamedou Ould Sidi, a invité la société civile à participer activement à cette campagne nationale. « J’invite les pouvoirs publics à créer les conditions d’accompagnement des acteurs actifs dans le domaine des droits de l’Homme dans l’élaboration d’un plan national global qui permettrait le suivi et la mise en œuvre des lois incriminant l’esclavage, la traite, la discrimination et la torture, ainsi que l’application des conventions internationales ratifiées par le pays », a-t-il souligné.

Le Représentant par intérim du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’Homme en Mauritanie, Mme Khadija Bâ, a félicité le gouvernement pour les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme et les évolutions positives constatées à ce niveau. « Le Haut-Commissariat renouvelle son appui et son accompagnement dans les efforts menés par la Mauritanie pour consolider les droits de l’homme », a-t-elle affirmé.

La cérémonie de lancement officiel de la campagne s’est déroulée en présence du Délégué Général de l’Agence nationale de Solidarité et de lutte contre l’exclusion (TAAZOUR), du président de la Commission nationale des droits de l’homme, celui du Mécanisme national de prévention de la torture, du Secrétaire général du Ministère de l’Intérieur, du Wali de Nouakchott-Ouest, du Vice-président du Conseil régional de Nouakchott, de plusieurs responsables de la société civile et de nombreux citoyens.

Cheikh Aïdara


Campagne contre la fistule obstétricale à Kiffa, une dizaine de femmes retrouvent le sourire grâce à l’Agence Française de Développement et le Projet TEMEYOUZ

Une campagne contre la fistule obstétricale, menée du 26 au 30 septembre 2022 à Kiffa, capitale de l’Assaba, a permis à une dizaine de femmes venues de plusieurs coins reculés du pays de briser leur isolement et de retrouver le sourire. Cette opération financée par l’Agence Française de Développement (AFD) a été pilotée par le Projet TEMEYOUZ mise en œuvre par Expertise France et son consortium qui regroupe des ONGs internationales et nationales, en l’occurrence Santé Sud, Medicos Del Mundo (MDM) et l’Association Mauritanienne pour la Promotion de la Famille (AMPF), avec l’appui du Centre hospitalier de Kiffa et l’Association des Femmes Volontaires du Développement (AFVD).

Kiffa, l’une des plus grandes villes du pays, à 600 Km de la capitale Nouakchott – Crédit Aidara

Au Centre hospitalier de Kiffa, bâtisse imposante étalée sur plusieurs hectares, la salle d’hospitalisation des femmes opérées de la fistule obstétricale est située sur un long couloir attenant au bloc opératoire. Trois femmes nouvellement traitées sont allongées sur des lits en fer. Dr. Sow Aboubekri, chirurgien urologue, vient s’enquérir de leur situation.

Centre hospitalier de Kiffa – Crédit Aidara

« Nous allons bien. Al Hamdoulillah, nous sommes heureuses et ne savons comment vous remercier » dit l’une d’elle. L’autre, plus jeune, bredouille dans un leitmotiv, « cela faisait mal, mais maintenant je suis très contente. Merci ».

« Al Hamdoulilah je suis guérie » déclare cette patiente qui a été opérée – Crédit Aidara

Plus loin, devant le bloc opératoire, une équipe de médecins de MMS-France (Mère du Monde en Santé) et leurs collègues mauritaniens, dont Dr. Diagana Mohamadou et Dr. Semethe discutent des prochaines programmations. Dr. Alimi Jean-Charles, chirurgien urologue affiche un sourire permanent. La jeune anesthésiste Dr. Antonietta Pia passe furtivement avec un léger geste de la main pour saluer et s’engouffre dans le bloc où une patiente se faisait préparer.

Le Directeur du Centre Hospitalier en compagnie des chirurgiens urologues devant le bloc – Crédit Aidara

Le recrutement des patientes, le principal problème

« MMS France est une ONG qui travaille dans le domaine de la fistule obstétricale depuis plus d’une dizaine d’années avec une expérience dans plusieurs pays d’Afrique, Burkina Faso, Rwanda, Tanzanie et Mali » explique Dr. Faivre d’Arcier Benjamin. Puis, d’ajouter « aujourd’hui c’est notre première mission en Mauritanie et les conditions d’accueil sont excellentes, un bloc chirurgical de qualité et surtout une infrastructure globale avec entre autres, l’AFVD qui a bien pris conscience de ce qu’est la fistule, de ses enjeux et de ses difficultés ». Il a précisé ensuite que l’équipe MMS France est accompagnée par des collègues mauritaniens, notamment Dr. Sow et Dr. Diagana. « Ils sont très motivés pour développer cette chirurgie » a-t-il fait savoir, précisant qu’ils espèrent pouvoir revenir pour traiter un maximum de femmes et poursuivre la formation des équipes sur place.

« Nous reviendrons pour opérer encore plus de femmes » Dr. Faivre D’Arcier – Crédit Aidara

Les difficultés de recrutement constituent le principal problème, a ajouté Dr. Faivre D’Arcier Benjamin, soulignant « nous sommes en train de reprendre une activité qui avait plus ou moins disparu ».

Pour sa part, Dr. Sow ABoubekri, déclare apprécier la présence de l’équipe MMS France qui est venue renforcer les compétences du personnel local dans le cadre de cette activité riche et importante parce qu’elle concerne des femmes vulnérables venues des coins les plus reculés. « Le fait de recevoir des missions de ce genre permet d’avoir un recrutement plus important et de pérenniser cette activité » a-t-il précisé.

« Les chirurgiens qui pratiquent la fistule sont peu nombreux en Mauritanie  » Dr. Sow Aboubekri – Crédit Aidara

Évoquant la situation en Mauritanie, il a reconnu que « le nombre de chirurgiens qui pratiquent la fistule est peu nombreux » citant les quelques références nationales dans ce domaine, notamment Dr. Diagana et Dr. Yahya TFeil.

Dr. Sow a par ailleurs indiqué que « la chirurgie réparatrice de la fistule n’est pratiquée que dans un seul centre à Nouakchott, donc hors de portée de la majorité des femmes, et le fait de la décentraliser à l’intérieur du pays, à Kiffa par exemple, permet de rendre le service plus accessible ».

Prise en charge pendant 21 jours

Un peu plus bas, dans le vieux quartier de la Qadima, le « Centre d’accueil et d’hébergement fistules obstétricales » de l’AFVD. Un groupe de femmes assises dans une véranda, visage couvert. En leur compagnie, deux volontaires de l’association.

« L’ONG prend en charge les patientes pendant 21 jours » Salka Touda, sage-femme membre de l’AFVD – Crédit Aidara

« Nous avons actuellement 8 femmes recrutées dans le cadre de cette campagne sur la fistule. L’AFVD les accueille et leur fournit dès leur arrivée, un kit composé d’un sceau, d’un sac, d’une bouteille, d’une serviette, plus un savon et des couches adultes » explique Salka Touda, sage-femme membre de l’Association. Ces femmes sont entièrement prises en charge avec leurs accompagnants, a-t-elle précisé, soulignant que leur transport aller-retour est également assuré ainsi que leur déplacement entre le centre et l’hôpital.

« Elles sont prises en charge pendant 21 jours » a en outre souligné Salka, dont la journée est marquée par d’incessants va-et-vient entre l’hôpital et le centre d’accueil. Une équipe de Medicos Del Mundo à Kiffa veille également au bon déroulé de la campagne, notamment Guèye Oumar et Fatou Cheikh Guèye, technicienne santé genre.

« TEMEYOUZ et ses partenaires vont permettre de traiter davantage de femmes » Sedy Camara – Crédit Aidara

S’exprimant au nom de la Direction Régionale de l’Action Sanitaire (DRAS) au niveau de l’Assaba, Sedy Camara, Point Focal Santé de la Reproduction, s’est réjoui de l’arrivée de nouveaux partenaires sur le terrain de la lutte contre la fistule, notamment le Projet TEMEYOUZ et son consortium d’ONG. « Cette pratique est bien connue en Assaba, à travers les nombreuses actions menées dans ce domaine depuis plusieurs années par le Ministère de la Santé et le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) » a-t-elle rappelé. Elle a ajouté que le Projet TEMEYOUZ et ses partenaires vont permettre de traiter davantage de femmes victimes de la fistule dans le cadre de cette campagne.

Depuis Nouakchott, la coordination du Projet TEMEYOUZ veille au grain

Logé dans un bâtiment situé à Tevragh-Zeina, l’ONG Medicos Del Mundo (MDM) assure la coordination des ONGs du consortium en charge d’une partie des activités du Projet TEMEYOUZ.

Luis Chang, Coordinateur de Consortium du Projet Temeyouz – Crédit Aidara

« Cette première campagne de fistule obstétricale organisée dans le cadre du Projet TEMEYOUZ appartient à l’action que mène le consortium qui travaille sur les soins de santé primaire et sur les violences basées sur le genre » a d’emblée lancé Luis Chang, Coordinateur du Consortium du Projet Temeyouz regroupant Santé Sud, MDM et AMPF. Il a précisé qu’il s’agit d’une campagne pilote qui a pour objectifs, de faire mettre en œuvre une première expérience internationale au niveau de Nouakchott pour renforcer les compétences de l’équipe de Kiffa afin qu’elle puisse prendre en charge et opérer les cas de fistule obstétricale qui pourraient avoir lieu dans la région et dans les régions avoisinantes.

Selon Luis Chang, cette première campagne leur a permis de mieux connaître la situation et voir les défis à prendre en compte, dans tout ce qui est l’identification des cas et leur référencement. « Mais surtout de mieux sensibiliser les populations sur l’importance de traiter les fistules obstétricales, et des changements de vie que cela peut produire pour les femmes que nous prenons en charge, tout en permettant à l’hôpital de Kiffa d’acquérir les compétences nécessaires pour recevoir et traiter les cas de fistule » a-t-il souligné. Il a évoqué par la suite la possibilité pour le Projet TEMEYOUZ d’organiser une deuxième campagne du genre.

La santé, un axe de développement pour l’AFD

Selon Bénédicte Brusset, Directrice de l’AFD en Mauritanie, la santé fait partie du domaine d’intervention de son institution, et cela fait partie aussi selon elle du développement. « Nous intervenons en santé en Mauritanie depuis plus de dix ans, d’abord dans le cadre du forfait obstétrical qui permet aux femmes d’avoir accès à tous les services liés à la grossesse » a-t-elle rappelé.

Bénédicte Brusset, Directrice AFD Agence de Mauritanie – Crédit Aidara

La Directrice de l’AFD a souligné que la fistule est la conséquence d’un accouchement compliqué entrainant des problèmes délicats pour la femme et la mettant dans une situation handicapante. « Ce n’est pas la première fois que l’AFD intervient sur la fistule, elle l’a fait ailleurs dans d’autres pays, mais c’est peut-être notre première intervention sur ce sujet en Mauritanie » a-t-elle souligné. Selon elle, l’AFD a toujours contribué dans ce domaine, notamment à travers des formations d’équipes en capacité d’opérer.

S’agissant de la campagne de Kiffa, Mme Brusset a précisé que l’AFD finance le Projet TEMEYOUZ et que ce dernier est mis en œuvre par « Expertise France », filiale de l’AFD, et que dans ce cadre des discussions ont eu lieu avec le Ministère de la Santé et « Expertise France » sur un projet qui pouvait adresser des problèmes de santé communautaire ou de santé maternelle. Selon elle, dans la santé maternelle, sujet vaste, plusieurs choix ont été faits, une partie des interventions porte sur la fistule et une partie par rapport à la transfusion sanguine.

« L’intervention de TEMEYOUZ sur le sujet du sang est d’arriver à reconstruire le Centre National de Transfusion Sanguine de Nouakchott, qui sera totalement neuf, et de créer un centre régional de transfusions sanguine à Kiffa, afin de mettre à la disposition des chirurgiens du sang « sûr » qui ne met pas en danger la vie de la femme » a expliqué la Directrice de l’AFD.

Sur les perspectives d’avenir, elle a précisé que la poursuite de l’opération dépendra des résultats, mais aussi de la stabilité du personnel, soulignant que dans le cadre de cette campagne, il y a eu le renforcement de capacité de certains chirurgiens qui sont dotés de la compétence spécifique liée à la fistule. « On verra comment ils comptent rester en région, notamment à Kiffa et non à Nouakchott où il existe déjà des compétences, surtout que les femmes victimes de fistule sont moins nombreuses à Nouakchott qu’elles ne le sont à l’intérieur du pays » a-t-elle insisté.

Autre condition de la poursuite de la campagne, selon la Directrice, la capacité des ONGs à mobiliser et à recruter. « Si demain l’hôpital de Kiffa nous dit malheureusement on avait 250 qui étaient prêtes à être opérées, mais on n’a pu en opérer que 50, alors à ce moment-là on pourra réfléchir nous-mêmes ou mobiliser d’autres acteurs pour surmonter la difficulté et pouvoir toutes les faire opérer » a-t-elle illustré. Puis d’insister que quand à la fin, seul un nombre réduit de femmes devront être opérées, par rapport aux coûts envisagés, peu de bailleurs seront emballés, y compris l’AFD.

La balle est ainsi lancée aux ONGs de redoubler d’efforts dans le recrutement et le repérage des femmes victimes de la fistule, surtout qu’elles sont connues dans leur communauté, afin de les identifier et de leur proposer une réparation chirurgicale gratuite.

A noter que lors d’une rencontre entre les Premières Dames sur la fistule en Afrique de l’Ouest et du Centre organisée en mars 2021 à Niamey, Mme Ghazouani, Marième Fadel Dah, avait souligné que la fistule reste un défi en Mauritanie. « Chaque année, un nombre de 150 à 300 femmes viennent accroître le nombre de porteuses de fistule obstétricale avec un GAP cumulé de 2.700 à 5.400 cas entre 2003 et 2021 » a-t-elle témoigné.

Certains acteurs de la lutte contre la fistule trouvent qu’un tel témoignage peut faire espérer que l’Etat donnera les moyens de la prise en charge maintenant que plus de chirurgiens sont formés.

Cheikh Aidara


Le Comité de la Charte Arabe des Droits de l’Homme félicite la Mauritanie

Le Comité arabe des droits de l’homme, connu sous le nom de Comité de la Charte, par l’intermédiaire du Secrétariat général de la Ligue des États arabes, a adressé une lettre de remerciement et de félicitation à la Mauritanie pour avoir rempli ses obligations vis-à-vis du Comité dans le domaine des droits de l’homme.

Le Commissaire aux Droits de l’Homme

Il a été indiqué dans la lettre que : « Le Secrétariat général (Secteur des affaires sociales – Département des droits de l’homme) adresse ses remerciements à la République islamique de Mauritanie pour avoir rempli, comme un État partie à la Charte arabe des droits de l’homme, ses obligations découlant de l’adhésion à cet instrument juridique » indiquant que le Comité arabe des droits de l’homme poursuivra pleinement son travail comme l’un des piliers du système arabe des droits de l’homme.

Il est à noter qu’une délégation gouvernementale de haut niveau conduite par Son Excellence le Commissaire, Cheikh Ahmedou Ould Sidi, avait présenté, en juin dernier au Caire, devant le Comité de la Charte, le premier rapport de notre pays sur la mise en œuvre de la Charte arabe des droits de l’homme, que le pays a ratifié en 2019.

Cette visite a été précédée d’une autre effectuée par le Comité de la Charte dirigé par Son Excellence le Président Jaber Al-Merri dans notre pays en mai dernier, en coordination avec le Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile. Au cours de cette visite, le président Jaber Al-Merri précise avoir vu de près les progrès réalisés par la Mauritanie dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

Au cours des trois dernières années, le dossier des droits de l’homme a connu un saut qualitatif, renforcé par le climat de paix, d’ouverture et de dialogue que Son Excellence le Président de la République, M. Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, a posé depuis sa prise de pouvoir. Cela a incité les pays amis, les partenaires techniques et les mécanismes régionaux et internationaux à saluer ces réalisations et à apprécier les efforts nationaux dans le domaine des droits humains.