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« La Mauritanie D’abord », le mouvement le plus citoyen en 2019

Par la diversité et l’ampleur de ses activités durant ces dernières années, le mouvement «La Mauritanie D’abord» peut être considéré sans conteste comme l’un des plus citoyens de l’année 2019. Sous l’impulsion de sa présidente, Seyide Mint Yenge, présidente de l’ONG ASPOM, chef de fil du mouvement, plusieurs cadres activistes de la société civile se sont donnés pour mission de s’engager dans le réveil citoyen et la réflexion sur le développement économique, culturel et social de la Mauritanie.

Seyide Mint Yenge, la combattante du développement. Réunion de concertation au siège de ASPOM

Les activités menées par le mouvement citoyen « La Mauritanie D’Abord » ont porté durant ces dernières années, et en particulier au cours de l’année 2019, sur plusieurs domaines et ont abordé toutes les thématiques de développement, à travers l’organisation de plusieurs ateliers, séminaires et forums de réflexion, mais aussi à travers l’organisation d’une caravane de sensibilisation et de formation, « Caravane du développement et des droits de l’homme au Guidimagha et Hodh Charghi » qui a sillonné deux grandes régions du pays et qui compte embraser les années suivantes d’autres Wilayas. Cette campagne de formations a porté sur le maraîchage, la teinture, la transformation du plastique, la sensibilisation citoyenne, la santé, l’éducation, l’agriculture, autant d’activités qui se sont ajoutés à plusieurs initiatives humanitaires, notamment des dons de sang en collaboration avec l’Association des Jeunes Volontaires pour le Développement (AJVD) ou la campagne médicale annuelle qu’organise Dr. Ould Sneïba grâce à la capacité de mobilisation populaire du mouvement.

Session de formation au siège de ASPOM sur la couverture des élections présidentielles

« La Mauritanie D’abord » contribue également à éclairer l’opinion publique nationale et internationale, mais aussi les autorités nationales et les partenaires au développement, sur les axes de préoccupation réels des populations et les priorités sur lesquelles doivent se concentrer les interventions.  Le mouvement organise également chaque année des cérémonies de distinction au cours desquelles sont honorées les personnalités nationales qui ont marqué par leur action ou leur contribution dans l’œuvre de construction nationale et cela dans tous les domaines. La dernière cérémonie a été organisée à l’hôtel Halima de Nouakchott, en 2019.

Session de formation de masse sur les techniques de conservation

« La Mauritanie D’abord », c’est surtout une plateforme de discussion et de débat à travers les réseaux sociaux, notamment sur sa page Facebook et son groupe Whatsapp. Sur ces plateformes sont débattues, loin de la politique politicienne, les questions sociales et de développement en rapport direct avec les préoccupations des populations.

session de formation sur le devoir citoyen au siège de ASPOM

Mouvement citoyen au premier sens du terme, « La Mauritanie D’abord » a participé aussi à plusieurs campagnes de salubrité publique, à travers l’organisation périodique de campagnes «rues propres» dans divers quartiers de Nouakchott.

« La Mauritanie D’abord, c’est un travail quotidien, des efforts soutenus et ininterrompus entre activités de terrain, réflexion et contacts avec les décideurs pour changer les conditions de vie des populations » soutient Seyide Mint Yenge qui regrette toutefois l’absence d’engouement des partenaires au développement qui selon elle, accordent peu de leurs interventions à la société civile mauritanienne comparée à leurs actions dans les pays limitrophes.

Dernière campagne lancée par «La Mauritanie D’Abord » en cette fin 2019, le suivi-évaluation citoyen de chaque haut responsable du pays, pour mesurer son degré d’engagement et le taux de performance de ses réalisations dans l’œuvre de construction nationale.

Cheikh Aïdara

REPORTAGE PHOTOS

Formation en teinturerie
Séance de sensibilisation citoyenne
séance de sensibilisation sur les droits et les devoirs citoyens
Transformation de plastique en pavé. Séance de démonstration
Pavés en plastic pour dallage
Mme Seyide Mint Yenge au cours d’une émission à TV Al Wataniya sur les questions de développement


Bref aperçu sur la vie du Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara

Le Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara, sociologue et éminent défenseur des droits de l’homme s’est éteint lundi 30 décembre 2019 à l’âge de 75 ans. Avant sa disparition, le défunt m’avait confié, avec Bios Diallo, le soin d’une biographie complète sur sa vie. Notre dernière entrevue date d’octobre 2019, pour des compléments d’informations. Le travail reste inachevé. Cependant, grâce aux quelques éléments que le défunt nous a fournis, j’avais esquissé un résumé de cette grande anthologie qu’est la vie du Pr. Cheikh Saad Bouh Kamara, qu’Allah l’agrée parmi ses privilégié. Voici le résumé sur la vie combien riche et foisonnante de l’illustre disparu.

Pr Cheikh Saad Bouh Kamara est issu d’une famille de savants. Son père, Tourade Kamara, est le fils du grand érudit Cheikh Moussa Kamara, auteur de plusieurs ouvrages. Certains écrits de ce dernier sont encore d’une actualité étonnante. Notamment son livre sur le «Jihad » qui alimente de nos jours la réflexion.

Sa mère est aussi fille d’un grand érudit de la tribu des Idawali de Tijikja. En effet Sidi Abdoullah Ould El Hadj Brahim, c’est son nom, est auteur du Wassit, l’ouvrage de Fiqh le plus enseigné dans les universités d’Al Azhar Chérif au Caire.


Cheikh Moussa Kamara

Savant théologien du Fouta, Cheikh Moussa Kamara était un intellectuel engagé. En témoigne sa Fatwa contre l’esclavage, par laquelle il refuse tous les présents qui lui sont offerts : femmes, or et esclaves . Mais son livre le plus emblématique est celui sur le «Jihad de Cheikh Oumar Foutiyou». Objet de controverses, à son époque, il demeure un sujet passionnant de nos jours. Dans cet écrit Cheikh Moussa, qui décèdera en février 1945 à Guanguel, une localité de Matam au Sénégal, s’élève contre le meurtre de musulmans au nom du Jihad.

Le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara raconte que lorsque son père annonça la naissance prochaine de son fils à son grand-père, Cheikh Moussa Kamara, ce dernier s’acquitta de la prière prémonitoire dite Istikkara qui permet d’interroger l’avenir. C’est là qu’il suggéra de prénommer le futur enfant Cheikh Saad Bouh, du nom de son grand frère, qui lui-même portait le nom du grand Walyou de Nimjat, Cheikh Saad Bouh Ben Cheikh Mohamed Vadel. Puis, il prédit : «ton fils sera très maladif, et s’il survit à la mort il voyagera beaucoup à travers le monde, écrira des ouvrages et sera très célèbre. Mais il ne manquera pas d’ennemis, car sera rudement combattu, ce qui ne l’empêchera pas de porter la notoriété de la famille».

Cette lucidité dans la lecture des faits n’a rien de surprenant. Cheikh Moussa Kamara avait côtoyé les grands érudits de son époque, notamment Baba Ould Cheikh Sidiya des Oulad Berri et qui fit un pèlerinage, en 1930, à Nimjatt, lieu de la confrérie  khadiriya. Déjà à son époque, il avait une méthode très scientifique dans ses démarches en donnant toujours la thèse, l’antithèse et la synthèse de ses réflexions.

Cheikh Tourade Kamara, père du Pr.Cheikh Saad Bouh, décèdera en septembre 1981 à Kiffa.

La famille maternelle

La mère du Pr Cheikh Saad Bouh Kamara est Zghouma Mint Sidi Ould Sidi Abdoullah Ould El Haj Brahim, savant et théologien de la tribu des Idawali de Tijikja.

La famille de Sidi Abdoullah Ould Hadj Brahim du Tagant est bien connue pour son érudition. Cheikh Sidi Abdoullah al Alawi (1733-1818) est l’un des plus réputés savants en Mauritanie. Son rayonnement a dépassé les frontières du pays, comme l’atteste son voyage au Maroc où le Sultan de Fez lui réserva un accueil mémorable, mais aussi au Caire, alors qu’il effectuait son pèlerinage à la Mecque. Il a écrit plus de 80 livres dans divers domaines.

Naissance de Cheikh Saad Bouh Kamara

Pr Cheikh Saad Bouh Kamara est né le 30 septembre 1944 à F’Dérick (région du Tiris Zemour). Il a passé, entre 1951 et 1956, son concours d’entrée en 1ère année du collège à Rosso dans la région du Trarza au Sud du pays. Il était sous la bonne protection, entre les mains, de Boubacar Daouda Fall, célèbre instituteur qui forma une grande partie de l’élite mauritanienne, dont l’ancien président de la République, Me Mokhtar Ould Daddah. En effet, le jeune Cheikh Saad Bouh Kamara avait été confié, par son père à maître Thierno, père de Fall Thiernoqui sera le fondateur du groupe scolaire Al Baraka. Parmi ceux qui ont enseigné Cheikh Saad Bouh Kamara, on peut citer Mohamed Saleh, ancien ministre sous Mokhtar Ould Daddah. Et parmi ses promotionnaires, beaucoup de cadres dont certains sont encore en vie. On peut citer : Saleck Ould Ely Salem, Abderrahmane Ould Moine, Mohamed Lemine Ould Moine, Abderrahmane Ould Boubou de l’UTM, Moustapha Ould Cheikh Ahmedou, ancien président de l’Autorité de régulation, Abdallahi Ould Ismaël, l’ancien ministre de Taya, Moustapha Ould Abeiderrahmane, Dr Diagana Yousouf, l’historien Bâ Moussa Bathily, etc.

Un homme dans les droits de l’homme

Le 12 décembre 1984, date du coup d’Etat du colonel Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya contre le président Mohamed Khouna Ould Haïdalla en déplacement à Boujoumboura, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara était chargé de mission à la Primature, poste qu’il occupait depuis 1980 sous le gouvernement de Ould Bneïjara. Nommé Président du Conseil d’Administration de la Société Mauritanienne d’Assurance (SMAR), son limogeage de son poste de conseiller à la Primature serait consécutif à une calomnie rapportée au Premier ministre. On l’accusait d’avoir refusé un Audit, en tenant ce propos : «j’ai été nommé par décret comme conseiller à la Primature et non pour masser les pieds du Premier ministre»..


Pr Cheikh Saad Bouh Kamara soutient pour sa part un autre geste : «lorsque le Premier ministre tomba malade, j’étais le seul à l’avoir accompagné à l’aéroport pendant son évacuation en Algérie ». Mais le mal de son éviction sera fait !

Après le coup de force du commando du 16 mars 1981, mené par le commandant Kader et ses amis, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara forma avec un groupe de cadre, une coalition qui comprenait Mme Bâ dite Simone, les Pr Saleh Baber,  Dahi et Haïbetna Ould Sidi Haiba, en plus du futur doyen de la Faculté  des Lettres,Diallo et Mohamed Ould Naji de l’ENS.

En 1986, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara est accusé d’être le conseiller des Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM). Accusations qu’il dément formellement.

Entre 1989 et 1991, création de l’Association Mauritanienne des Droits Humaines (AMDH) avec à sa tête Feu Diagana Mamadou Samba. Dans la foulée, le gouvernement créa la Ligue Mauritanienne des Droits Humains (LMDH), pour saper les activités de ce mouvement d’indépendants qui cherchaient à dénoncer les dérives du régime. C’est alors que les ennuis commencent pour le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara et ses amis. Le régime les accuse de préparer un coup d’Etat. En janvier 1992, avec la première mission conjointe en Mauritanie, menée par Anti Slavery, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’ONG Agir Ensemble, les membres de l’AMDH, dont le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara seront arrêtés par la Police Politique.

En juin 1993, suite à la Conférence mondiale sur les droits humains organisée par l’ONU à Vienne en Autruche, Hamdy Ould Mouknass est arrêté l’année suivante en 1994, en même temps que le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara et Diabira Maaroufa. Les défenseurs des droits de l’homme lancent alors l’escalade et c’est la fameuse signature des «50» qui exigent la lumière sur le Passif humanitaire qui aurait coûté la vie à plus de 500 négro-africains, dont la plupart des militaires exécutés extrajudiciairement entre 1990 et 1991, sans compter les déportations, les meurtres massifs et leur cohorte de fosses communes.

Ces revendications étaient nées alors qu’un climat de démocratie pluraliste soufflait sur le pays qui, à l’instar de beaucoup de pays d’Afrique, subissait les contres-coups du Discours de La Baule tenu par le président français François Mitterrand. La Mauritanie se dota alors, en 1991, d’une nouvelle constitution qui consacrait les libertés publiques et individuelles, la liberté d’opinion, la liberté des partis politiques, des syndicats et associations.

En 1997, les activistes des droits de l’homme multiplièrent leurs actions ainsi que leurs activités pour soutenir les victimes du Passif humanitaire, pour informer l’opinion publique nationale et internationale, à travers les rapports réguliers adressés à la FIDH.
En mars-avril 1997, la Commission africaine des droits de l’homme organise un forum à Nouakchott, alors que les membres de l’AMDH étaient pourchassés par la police qui empêcha ses délégués d’accéder à la salle de l’Assemblée Nationale où se déroulaient les assises.
L’idée de créer un Forum national des droits humains (FONADH), qui regroupe l’ensemble des organisations mauritaniennes actives commença alors à faire son chemin. Le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara sera brièvement interpellé lors de la visite, la même année 1997, du président Jacques Chirac à Nouakchott, visite au cours de laquelle, le Pr Kamara avait été reçu par le conseiller du président français en charge des droits de l’homme à l’ambassade de France.

En janvier 1998, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara est de nouveau arrêté. Cette fois, il est envoyé en prison avec Boubacar Messaoud de SOS Esclaves, les avocats Me FatimataMBaye et Me Brahim Ould Ebetty. L’évènement malheureux s’est produit au moment du passage du Rallye Paris-Dakar. Deux autres activistes, Jemal Ould Yessa du mouvement Conscience et Résistance et le Pr.AbdelWedoud Ould Cheikh, furent activement recherchés mais la police ne parviendra pas à mettre la main sur eux. A l’origine, de cette chasse aux sorcières, la diffusion d’un film sur l’esclavage.

Il convient de noter que le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara était membre depuis 1993 du Conseil d’Administration du Fonds de contribution volontaire de lutte contre l’esclavage créé en 1991-1992 pour venir en aide aux victimes de l’esclavage. Les membres du Fonds se réunissaient une fois par an à Genève. Quelques 10.000 dollars U.S furent distribués à l’époque entre 1993 et 2007. Le Pr.Cheikh Saad Bouh Kamara fut même contraint une fois de voyager avec un passeport de l’ONU, le sien ayant été confisqué pour l’empêcher de se rendre à Genève. Une fois sur place, il butera sur l’ambassadeur mauritanien auprès de l’ONU, Ould Mohamed Saleh qui ira jusqu’à soutenir que le Pr.Kamara n’est nullement un défenseur des droits de l’homme.

Le consultant itinérant

Après plusieurs décennies de combat pour les droits de l’homme, dans son pays et sur tous les fronts et tribunes internationales, Pr Cheikh Saad Bouh Kamara se consacre au Consulting international et poursuit une riche carrière d’expert. Il faut dire que la consultation n’a jamais été éloignée de son parcours, même quand il était plongé dans la défense des droits de l’homme. Sa première expérience dans le domaine remonte à 1980 avec la FAO dans la lutte contre la désertification. Puis, le PNUD  et l’UNESCO sollicitèrent ses services dans plusieurs autres secteurs sociaux et de développement.

Pr Cheikh Saad Bouh Kamara se rendra trois fois à Madagascar où il forme des consultants sur place. En 1986-1987, lorsque le gouvernement mauritanien, demande à la FAO de lui envoyer un consultant, ce dernier lui répond qu’il y a sur place un expert consultant, en la personne de Cheikh Saad Bouh Kamara à Nouakchott. Autant dire un pied de nez !

Ce n’est qu’à partir de 1998 que le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara va se stabiliser relativement en Mauritanie, après des années de voyages à travers le monde, pris dans le tourbillon de l’expertise internationale.

En janvier 2001, il est nommé Premier Vice-Président de la FIDH et anime dans ce cadre, au cours de la même année, le Premier Forum Social Africain dont il devient membre lors de la rencontre de Bamako du 5 au 9 janvier 2002.

Après le coup d’état d’août 2005, contre le régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara se retrouve en novembre de la même année membre de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Il est alors désigné président de la Commission communication et éducation citoyenne.

Deux ans plus tard, en 2007, le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara qui était professeur de Sociologie à l’Université de Nouakchott, est admis à faire valoir ses droits à la retraite à l’âge de 65 ans.

Ce qui va lui permettre de s’adonner à ses passions. Les voyages, notamment. Il continue à sillonner le Continent africain où il anime sans arrêts des conférences.

En 2009, il est nommé président de la CENI après les fameux Accords de Dakar qui avaient mis fin à la crise politique née du coup d’Etat contre le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Aballahi.En marge de ses multiples actions, le Pr Kamara publie sans arrêts. En 1986, il est co-auteur de l’ouvrage «Le Sahel face au futur » édité par l’OCDE ; en 1990, il publie aux éditions FAO «Espace pastoral mauritanien ». En 1988, suite à uneconsultation offerte par l’ambassade de France, il est de nouveau co-auteur de «Urbanisation de la Mauritanie ». Enfin, son dernier ouvrage, somme de ses réflexions, «Afrique Espérance » paru aux éditions L’Harmattan en 2011.

Le Pr. Cheikh Saad Kamara s’est éteint le lundi 30 décembre 2019 à Nouakchott. Qu’    Allah lui accorde son Paradis céleste et l’honore de la compagnie du Prophète (PSL), de ses compagnons, des Véridiques et des Hommes Justes.

Cheikh Aïdara


Plus de 3 Millions MRO pour la réinsertion d’une dizaine de femmes guéries de fistules obstétricales

Onze femmes venues de plusieurs régions du pays ont reçu chacune une enveloppe de 30.000 MRU en guise d’allocation d’aides à la réinsertion après avoir été guéries de la fistule obstétricale. La cérémonie de remise de ses aides allouées par le Ministère de la Santé, avec l’appui de l’UNFPA, a eu lieu lundi 30 décembre 2019 à Nouakchott.

Le Ministère de la Santé, à travers le Service de la santé de la reproduction (ex-PNSR) et l’appui du Fonds des Nations pour la Population (UNFPA), vient d’allouer la somme de 330.000 MRU (3,3  Millions MR0) à onze femmes guéries de fistules obstétricales. C’était au cours d’une cérémonie organisée lundi 30 décembre 2019 à Nouakchott en présence des autorités sanitaires et de leurs partenaires du système des Nations Unies, en particulier l’UNFPA.  

Au cours du discours qu’il a prononcé à l’occasion, le Secrétaire général du Ministère de la Santé, M.Ahmed Salem Ould Bouhada a déclaré que «l’isolement social constitue le défi le plus traumatisant auquel sont confrontées des milliers de femmes souffrant de fistules obstétricales à travers le monde». Brossant le profil de ces femmes, il ajoutera qu’elles sont «pauvres, issues de milieux défavorisés, et n’ont pas accès aux services de santé, ce qui constitue une violation de leurs droits les plus élémentaires». La Mauritanie, dira-t-il en substance, a très tôt lancé une stratégie nationale pour la prise en charge sociale et médicale des femmes souffrant de fistules obstétricales, avec le concours de l’UNFPA. Les autorités actuelles ont développé, selon lui, un programme de santé qui accorde une attention particulière aux franges les plus pauvres de la population, notamment la gratuité de la réparation chirurgicale pour les femmes victimes de fistules obstétricales. Il a remercié dans ce cadre l’appui inestimable de l’UNFPA dans cette lutte et son apport considérable dans la prise en charge des fistuleuses depuis leur détection, leur transport et leur guérison totale.

Auparavant, M.Seynath Haidara, Assistant du Représentant résident de l’UNFPA en Mauritanie avait souligné que «cette remise d’aides à la réinsertion des femmes guéries de fistules obstétricales est l’occasion de plaider en faveur d’une plus grande mobilisation de fonds pour éradiquer définitivement ce fléau». Citant l’Organisation mondiale de la Santé (IOMS), il estime le nombre de victimes à 2 millions à travers le monde, avec 50 à 100.000 nouveaux cas chaque année. Selon lui, «la Mauritanie n’est pas épargnée par ce fléau qui continue de détruire la vie de plusieurs femmes», exhortant à plus d’efforts pour lutter contre le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, la multiplication des campagnes de sensibilisation pour exhorter les femmes à accoucher dans des formations sanitaires et à recevoir la bonne information sur les questions de la santé de la reproduction, notamment la planification familiale, mais aussi sur l’existence d’une chirurgie réparatrice pour que les femmes porteuses de fistules sachent que leur mal n’est pas incurable. Il a insisté sur les mesures préventives qui constituent selon lui un axe majeur des ODD, avant de souligner qu’en 2019, 26 cas de fistules obstétricales ont été réparés en Mauritanie.

Selon Vatimetou Mint Moulaye, Présidente de l’Association des Sages-femmes de Mauritanie, «la stratégie nationale de lutte contre les fistules obstétricales en Mauritanie, lancée en 2005, a permis d’offrir la réparation chirurgicale à environ 300 femmes dont 24, avec les onze d’aujourd’hui, ont bénéficié d’aide à la réinsertion sociale, sans compter les cas traités par les ONG locales spécialisées».

Aminata Bâ, femme guérie de la fistule originaire de Kaédi : «j’ai succombé à la fistule au cours de mon dernier accouchement et j’ai traîné deux ans avec la maladie. Après l’opération, j’ai repris goût à la vie. Avec cette enveloppe que vient de m’offrir l’Etat, je vais me lancer dans le commerce d’habillement»

Coumba, originaire de la région du Trarza : «j’ai été opérée par Dr. Diagana à l’hôpital Mère et Enfant de Nouakchott après des années de fistule. Je ne me suis jamais sentie rejetée par ma famille, et aujourd’hui grâce à cette aide qui vient de m’être donnée, je pourrais investir dans le commerce et le maraîchage».

Cheikh Aïdara


Bamba Samory Soueidat, l’amoureux protecteur des tortues terrestres

C’est par un pur hasard, une matinée de l’année 1998, que Bamba Samory Soueidat tombe sur deux individus en train de griller une tortue. Depuis, il est devenu le protecteur de la Sulcata, menacée de disparition en Mauritanie.

 La carapace de l’animal trônait sous le soleil ardent de l’Iguidi, à quelques encablures de Tiguint, tandis qu’une deuxième tortue attachée, attendait son triste sort. Pris de pitié pour elle, il débourse 17.000 UM, une fortune à l’époque, pour empêcher la malheureuse de finir en brochette. Il décide de la ramener à Nouakchott. Une passion était née. Depuis, Bamba Samory Soueidat est devenu l’un des plus fervents protecteurs de la Sulcata, la tortue terrestre mauritanienne menacée de disparition.

Le vaste terrain qu’il avait acquis et qui vaut aujourd’hui un trésor immobilier, est devenu un refuge pour une colonie de quarante tortues, dont une centenaire et quelques septuagénaires. Grâce à ses moyens propres, Bamba Samory Soueidat a transformé les lieux en une luxuriante et exotique petite forêt de manguiers, citronniers, dattiers, ainsi qu’une riche flore importée dans les années 1990 du Sénégal, depuis les abords de la Patte d’Oie, avec le concours d’un ami jardinier sénégalais.

Les enfants émerveillés par les tortues sous le regard attendri de Bamba.

Écoliers, étudiants des filières scientifiques, de l’Université de Nouakchott ou de l’Institut supérieur de Rosso, mais aussi institutions publiques nationales ou internationales exerçant en Mauritanie, prennent de temps en temps d’assaut cette bâtisse anodine, située aux abords de l’ancienne gare routière du PK 7 de Riadh. Beaucoup d’habitants de Nouakchott ignorent que derrière ces murs dont une simple plaque signale la présence, trime un sexagénaire qui a dédié sa vie à la protection de la Sulcata. Seul. Sans l’appui de l’Etat mauritanien, ni de bailleurs ou de partenaires.

« C’est un vieil homme qui a de l’argent pour nourrir des tortues », entend-on souvent comme alibi pour se soustraire au devoir humanitaire, écologique et environnemental de soutenir un projet aussi grandiose et utile que le parc aux tortues de l’Association Dbagana pour le développement et la protection de l’environnement que préside Bamba Samory Soueidat, membre du Conseil économique, social et environnemental. Pour le moment, un seul mécène l’a déjà aidé, ce qui lui a permis de construire des abris supplémentaires pour ses tortues.

Depuis la naissance du projet, il affirme avoir déjà lâché quelques 1.600 petites tortues terrestres dans la nature, au Tagant, au Guidimagha, au Trarza et dans d’autres régions du pays, pour repeupler de nouveau ces immensités et restaurer l’équilibre naturel rompu par la raréfaction de l’espèce.

Cet après-midi de lundi 30 décembre 2019, une vingtaine d’enfants de la colonie de vacances de Traversées Mauritanides ont visité le parc aux tortues. Leur émerveillement et leur enthousiasme juvénile suffisaient à combler Bamba, qui n’a pas pu se retenir de manifester sa joie. Pour lui, le rire cristallin des enfants et leur curiosité doublée d’excitation au contact de ses tortues est la plus grande récompense et le plus grand appui qui lui font dire que finalement, il ne perd pas ni ses moyens (limités), ni son temps, ni son énergie !

Cheikh Aïdara